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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 01:54

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La Syrie, l’Irak et l’Ukraine au cœur de la déclaration commune du pape François et du patriarche Bartholomée 1er (Verbatim).
 
 

Réunis à Istanbul (Turquie) à l’occasion de la fête de saint André, patron du Patriarcat œcuménique de Constantinople, le pape François et le patriarche Bartholomée 1er ont signé une déclaration commune, le 30 novembre 2014 en milieu de journée. S’engageant à “intensifier“ leurs efforts en vue de parvenir à l’unité de leurs Eglises, les deux hommes ont également souhaité la fin du conflit en Ukraine, déploré “l’indifférence de beaucoup“ face à la persécution des chrétiens en Irak comme en Syrie, et encouragé un “dialogue constructif“ entre chrétiens et musulmans.


 

Au terme de la divine liturgie présidée par le patriarche Bartholomée 1er dans l’église Saint-Georges du Phanar, le pape François et le leader orthodoxe ont multiplié les gestes de proximité. Ils ont donné leur bénédiction, l’un après l’autre, depuis un balcon du patriarcat avant de saluer la foule, les mains jointes. Ils ont ensuite signé la déclaration suivante :

Déclaration commune :

Nous, le pape François et le patriarche œcuménique Bartholomée 1er, exprimons notre profonde gratitude à Dieu pour le don de cette nouvelle rencontre qu’il nous accorde, en présence des membres du Saint Synode, du clergé et des fidèles du Patriarcat œcuménique, de célébrer ensemble la fête de saint André, le premier appelé et le frère de l’Apôtre Pierre. Faire mémoire des Apôtres, qui proclamèrent la bonne nouvelle de l’Évangile au monde, renforce en nous le désir de continuer à cheminer ensemble dans le but de dépasser, avec amour et confiance, les obstacles qui nous divisent.

Lors de la rencontre à Jérusalem de mai dernier, au cours de laquelle nous avons rappelé l’accolade historique entre nos vénérables prédécesseurs, le pape Paul VI et le patriarche œcuménique Athënagoras, nous avons signé une déclaration conjointe. Aujourd’hui, en l’heureuse occasion d’une nouvelle rencontre fraternelle, nous voulons réaffirmer ensemble nos intentions et nos préoccupations communes.

Nous exprimons notre sincère et ferme intention, dans l’obéissance à la volonté de Notre Seigneur Jésus-Christ, d’intensifier nos efforts pour la promotion de la pleine unité entre tous les chrétiens et surtout entre catholiques et orthodoxes. Nous voulons de plus, soutenir le dialogue théologique promu par la Commission mixte internationale, qui, instituée il y a exactement 35 ans par le patriarche œcuménique Dimitrios et par le pape Jean-Paul II, ici, au Phanar, traite actuellement les questions plus difficiles qui ont marqué l’histoire de nos divisions et qui demandent une étude attentive et approfondie. Dans ce but, nous assurons de notre prière fervente comme pasteurs de l’Eglise, demandant aux fidèles de s’unir à nous dans l’invocation commune que “tous soient un… afin que le monde croie“ (Jn 17, 21).

Nous exprimons notre préoccupation commune pour la situation en Irak, en Syrie et dans tout le Moyen-Orient. Nous sommes unis dans le désir de paix et de stabilité et dans la volonté de promouvoir la résolution des conflits par le dialogue et la réconciliation. Reconnaissant les efforts déjà faits pour offrir une assistance à la région, nous en appelons en même temps à tous ceux qui ont la responsabilité du destin des peuples afin qu’ils intensifient leur engagement pour les communautés qui souffrent et leur permettent, y compris aux communautés chrétiennes, de rester sur leur terre natale. Nous ne pouvons pas nous résigner à un Moyen-Orient sans les chrétiens qui y ont professé le nom de Jésus pendant deux mille ans. Beaucoup de nos frères et de nos sœurs sont persécutés et ont été contraints par la violence à laisser leur maisons. Il semble vraiment que la valeur de la vie humaine se soit perdue et que la personne humaine n’aie plus d’importance et puisse être sacrifiée à d’autres intérêts. Et tout cela, tragiquement, rencontre l’indifférence de beaucoup. Comme nous le rappelle saint Paul : “Un membre souffre-t-il ? tous les membres souffrent avec lui. Un membre est-il à l’honneur ? tous les membre se réjouissent avec lui“ (1 Co 12, 26). C’est la loi de la vie chrétienne et en ce sens nous pouvons dire qu’il y a aussi un œcuménisme de la souffrance. Comme le sang des martyrs a été semence de force et de fécondité pour l’Eglise, ainsi le partage des souffrances quotidiennes peut être aussi un instrument efficace d’unité. La terrible situation des chrétiens et de tous ceux qui souffrent au Moyen-Orient demande non seulement une prière constante, mais aussi une réponse appropriée de la part de la communauté internationale.

Les grands défis que le monde a devant lui dans la situation actuelle demandent la solidarité de toutes les personnes de bonne volonté. Nous reconnaissons donc aussi l’importance de la promotion d’un dialogue constructif avec l’islam, basé sur le respect mutuel et sur l’amitié. Inspirés par des valeurs communes et affermis par un authentique sentiment fraternel, musulmans et chrétiens sont appelés à travailler ensemble par amour de la justice, de la paix et du respect de la dignité et des droits de chaque personne, spécialement dans les régions où eux-mêmes, un temps, vécurent pendant des siècles dans une coexistence pacifique et maintenant souffrent ensemble tragiquement des horreurs de la guerre. De plus, comme leaders chrétiens, nous exhortons tous les leaders religieux à poursuivre et à renforcer le dialogue interreligieux et à accomplir tout effort pour construire une culture de paix et de solidarité entre les personnes et entre les peuples.

Nous nous souvenons aussi de tous les peuples qui souffrent à cause de la guerre. En particulier, nous prions pour la paix en Ukraine, un pays d’antique tradition chrétienne, et nous lançons un appel aux parties engagées dans le conflit à rechercher le chemin du dialogue et du respect du droit international pour mettre fin au conflit et permettre à tous les Ukrainiens de vivre en harmonie.

Nos pensées sont tournées vers tous les fidèles de nos Eglises dans le monde, que nous saluons, les confiant au Christ notre Sauveur, afin qu’ils puissent être des témoins infatigables de l’amour de Dieu. Nous faisons monter notre prière fervente vers Dieu pour qu’il accorde le don de la paix, dans l’amour et dans l’unité, à toute la famille humaine.

“Que le Seigneur de la paix vous donne lui-même la paix en tout temps et de toute manière. Que le Seigneur soit avec vous tous“ (2 Th 3, 16).

Du Phanar, le 30 novembre 2014.

I.MEDIA/AMI

Discours de Bartholomée au pape François

Prononcé le dimanche 30 novembre 2014 par le patriarche Bartholomée Ier, durant la Divine Liturgie orthodoxe à l'église patriarcale Saint-Georges d'Istanbul, au troisième et dernier jour de la visite du pape François en Turquie.

 

Votre Sainteté François, bien-aimé frère en Christ, évêque de l’Ancienne Rome,

Nous rendons gloire et louange à notre Dieu en la Trinité qui nous a gratifiés de la joie ineffable et de l’honneur particulier de la présence en personne, cette année, de Votre Sainteté, à la célébration de la mémoire de l’Apôtre André, le Premier appelé qui, par sa prédication, a fondé notre Église. Nous remercions du fond du cœur Votre Sainteté de ce précieux don que constitue Votre présence bénie parmi nous à la tête d’une honorable délégation. Avec amour profond et grand respect nous Vous embrassons en Vous adressant le salut cordial de paix et de charité : « grâce et paix vous soient données de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ ! » (1). « Car l’amour du Christ nous étreint » (2).

Nous gardons encore dans notre cœur le souvenir vivace de notre rencontre avec Votre Sainteté en Terre sainte pour effectuer un pèlerinage commun au lieu où est né, a vécu, a enseigné, a souffert et est ressuscité le Chef de notre foi. Nous gardons aussi le souvenir reconnaissant de l’événement historique que fut la rencontre au même endroit de nos illustres prédécesseurs, le Pape Paul VI et le Patriarche œcuménique Athénagoras. Leur rencontre d’alors dans la Ville Sainte, il y a cinquante ans, a changé le cours de l’histoire. Les marches parallèles, parfois conflictuelles de nos Églises se sont jointes dans la vision commune de retrouver notre unité perdue. L’amour qui s’était refroidi a été ranimé. Notre volonté a été forgée de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que notre communion se réalise à nouveau dans la même foi et le même calice. Depuis, le chemin vers Emmaüs s’est ouvert, peut-être long et parfois ardu, mais néanmoins sans retour, le Seigneur faisant route ensemble avec nous, jusqu’à ce qu’Il se révèle à nous « à la fraction du pain » (3).

Depuis, tous les successeurs de ces chefs inspirés suivent le même chemin, ayant établi, béni et soutenu le dialogue de charité et de vérité entre nos Églises en vue de lever les obstacles qui, durant un millénaire, s’étaient dressés dans nos relations ; dialogue entre frères et non, comme autrefois, entre adversaires, dispensant avec droiture et franchise la parole de la vérité, tout en nous respectant mutuellement en tant que frères.

Dans cette ambiance de marche commune dans laquelle nos dits prédécesseurs se sont engagés, nous Vous recevons, très saint Frère, comme porteur de la charité de l’Apôtre Pierre à son frère l’Apôtre André le Premier appelé dont nous fêtons aujourd’hui solennellement la mémoire. Selon une coutume sacrée, établie et suivie déjà depuis des décennies par les Églises de l’Ancienne et de la Nouvelle Rome, leurs délégations officielles échangent des visites lors de leurs fêtes patronales pour déclarer de la sorte la fraternité des deux Apôtres coryphées qui ont connu ensemble Jésus et cru en Lui comme Dieu et Sauveur. Ils ont transmis cette foi partagée aux Églises qu’ils ont fondées par leur prédication et sanctifiées par leur martyre. Cette foi, les Pères communs de nos Églises, réunis de l’Orient et de l’Occident dans des conciles œcuméniques, l’ont vécue et dogmatisée, la léguant à nos Églises comme fondement inébranlable de notre unité. Cette foi, que nous avons préservée en tant que foi commune en Orient et en Occident durant un millénaire, nous sommes à nouveau appelés à la poser comme base de notre unité, pour que « vivant en plein accord (...) d’un même cœur » (4), nous allions de l’avant avec Paul « oubliant le chemin parcouru et tout tendus en avant » (5).

Car, de fait, très saint Frère, notre devoir ne s’épuise pas dans le passé, mais s’étend principalement, surtout de nos jours, à l’avenir. Car, à quoi sert de rester fidèles au passé, si cela ne signifie rien pour l’avenir ? À quoi sert de s’enorgueillir de ce que nous avons reçu, si cela ne se traduit en termes de vie pour l’être humain, et pour le monde d’aujourd’hui et de demain ? « Jésus Christ est le même, hier, et aujourd’hui ; il le sera pour l’éternité » (6). Et Son Église est appelée à avoir les yeux fixés plutôt sur le présent et l’avenir que sur le passé. L’Église existe pour le monde et pour l’être humain, et non pas pour elle-même.

Le regard tourné au présent, nous ne pouvons éviter d’être anxieux pour l’avenir : « Combats au dehors, craintes au dedans » (7). Ce constat de l’Apôtre sur son époque vaut entièrement aujourd’hui pour nous aussi. Car, le monde vit la crainte pour sa survie, l’angoisse du lendemain. Comment l’humanité survivra-t-elle demain, alors qu’elle est aujourd’hui déchirée par de multiples divisions, conflits et hostilités, souvent même perpétrés au nom de Dieu ? Comment la richesse de la terre sera-t-elle répartie plus équitablement pour que l’humanité ne vive demain la servitude la plus odieuse qu’elle n’ait jamais connue ? Quelle planète trouveront les générations futures pour y habiter, alors que, dans son avidité, l’homme moderne la détruit de façon impitoyable et irréversible ?

D’aucuns placent aujourd’hui leur espoir dans la science ; d’autres dans la politique ; d’autres encore dans la technologie. Mais aucune d’elles ne peut garantir l’avenir, si l’homme ne fait sien le kérygme de la réconciliation, de l’amour, de la justice, de l’acceptation d’autrui, de ce qui est différent, voire de l’ennemi. L’Église du Christ, le premier à avoir enseigné et vécu cette prédication, doit en premier la pratiquer elle-même « afin que le monde croie » (8). Voilà pourquoi, la marche vers l’unité de ceux qui invoquent le nom du grand Pacificateur est plus impérieuse que jamais. Voilà pourquoi notre responsabilité de chrétiens est suprême vis- à-vis de Dieu, de l’être humain et de l’Histoire.

Sainteté,
Votre parcours relativement court à la tête de Votre Église a déjà fait de vous dans la conscience de nos contemporains un héraut de la charité, de la paix et de la réconciliation. Vous prêchez par Vos paroles, mais avant tout et surtout par la simplicité, l’humilité et l’amour envers tous, charismes moyennant lesquels vous exercez Votre haut ministère. Vous inspirez de la confiance aux méfiants, de l’espoir aux désespérés, des expectatives à ceux qui attendent une Église affectueuse envers tous. En outre, vous donnez l’espoir à Vos frères orthodoxes qu’au cours de votre pontificat le rapprochement de nos deux Églises anciennes se poursuivra, construit sur les bases solides de notre tradition commune qui depuis toujours respecte et reconnaît dans la structure de l’Église le primat de charité, d’honneur et de service dans le contexte de l’institution conciliaire, de sorte que le Dieu en la Trinité soit confessé « d’un même cœur et d’une seule voix » (9) et que Son amour soit diffusé dans le monde.

Sainteté,
L’Église de la Ville de Constantin qui vous reçoit aujourd’hui avec grand amour et honneur, mais aussi avec profonde gratitude, est chargée d’un lourd héritage, mais aussi d’une responsabilité pour le présent et l’avenir. La Providence divine, par la discipline établie par les conciles œcuméniques, a confié à cette Église la fonction de coordonner et exprimer le consensus des très saintes Églises orthodoxes locales. Dans le contexte de cette responsabilité, nous travaillons avec circonspection pour préparer le saint et grand Concile de l’Église orthodoxe, que nous avons décidé de réunir ici, si Dieu le veut, en 2016. Les commissions compétentes travaillent déjà assidûment afin d’organiser ce grand événement dans l’histoire de l’Église orthodoxe pour la réussite duquel nous demandons aussi Vos prières. Malheureusement, la communion eucharistique rompue entre nos Églises, il y a mille ans, ne permet pas encore de réunir ensemble un grand concile œcuménique. Prions pour qu’une fois leur pleine communion rétablie, ce grand jour glorieux ne tarde pas à se lever. Jusqu’à ce que ce jour béni vienne, la participation de chacune de nos Églises à la vie conciliaire de l’autre s’exprimera par l’envoi d’observateurs, comme c’est déjà le cas, grâce à Votre aimable invitation, aux Synodes de Votre Église et, comme, nous l’espérons, ce sera aussi le cas au moment de réaliser notre saint et grand Concile.

Sainteté,
Les problèmes que la conjoncture historique dresse aujourd’hui devant nos Églises nous prescrivent de surmonter l’introversion et y faire face en collaborant le plus étroitement possible. Nous n’avons plus le luxe d’agir séparément. Les persécuteurs contemporains des chrétiens ne demandent pas à quelle Église appartiennent leurs victimes. L’unité qui occupe tant nos réflexions est en train de se réaliser dans certaines régions, malheureusement, par le martyre. Tendons ensemble la main à l’être humain de notre temps, la main de Celui qui seul peut le sauver par Sa Croix et Sa Résurrection.

Par ces réflexions et ces sentiments, nous exprimons encore une fois notre joie pour la présence parmi nous de Votre Sainteté, La remerciant et priant le Seigneur pour que, par l’intercession de celui que nous fêtons aujourd’hui, l’Apôtre Premier appelé et frère du premier Coryphée Pierre, protège Son Église et la mène à l’accomplissement de Sa sainte volonté.

Soyez le bienvenu parmi nous, frère bien-aimé !

Discours du pape François au patriarche Bartholomée Ier

Prononcé le dimanche 30 novembre 2014 durant la Divine Liturgie orthodoxe à l'église patriarcale Saint-Georges d'Istanbul, au troisième et dernier jour de la visite du pape François en Turquie.

 

Souvent, comme Archevêque de Buenos Aires, j’ai participé à la Divine Liturgie des communautés orthodoxes présentes dans cette ville ; mais, me trouver aujourd’hui en cette Église Patriarcale Saint-Georges pour la célébration du saint Apôtre André, le premier des appelés et le frère de saint Pierre, patron du Patriarcat Œcuménique, est vraiment une grâce particulière que le Seigneur me donne.

Nous rencontrer, regarder le visage l’un de l’autre, échanger l’accolade de paix, prier l’un pour l’autre sont des dimensions essentielles de ce chemin vers le rétablissement de la pleine communion à laquelle nous tendons. Tout ceci précède et accompagne constamment cette autre dimension essentielle de ce chemin qu’est le dialogue théologique. Un authentique dialogue est toujours une rencontre entre des personnes avec un nom, un visage, une histoire ; et pas seulement une confrontation d’idées.

Cela vaut surtout pour nous chrétiens, parce que, pour nous, la vérité est la personne de Jésus-Christ. L’exemple de Saint André – qui, avec un autre disciple, a accueilli l’invitation du divin Maître :« Venez et vous verrez », et « ils restèrent auprès de lui ce jour là » (1) –, nous montre avec clarté que la vie chrétienne est une expérience personnelle, une rencontre transformante avec Celui qui nous aime et veut nous sauver. De même, l’annonce chrétienne se répand grâce à des personnes qui, amoureuses du Christ, ne peuvent pas ne pas transmettre la joie d’être aimées et sauvées. Encore une fois, l’exemple de l’Apôtre André est éclairant. Après avoir suivi Jésus là où il habitait et s’être entretenu avec lui, « il trouva d’abord Simon son frère et lui dit : “ Nous avons trouvé le Messie ” – ce qui veut dire Christ – et il l’amena à Jésus » (2). Il est clair, par conséquent, que même le dialogue entre chrétiens ne peut se soustraire à cette logique de la rencontre personnelle.

Ce n’est donc pas un hasard si le chemin de réconciliation et de paix entre catholiques et orthodoxes a été, en quelque sorte, inauguré par une rencontre, par une accolade entre nos vénérés prédécesseurs, le Patriarche Œcuménique Athénagoras et le Pape Paul VI, il y a cinquante ans, à Jérusalem, événement que votre Sainteté et moi-même avons voulu récemment commémorer en nous rencontrant de nouveau dans la ville où le Seigneur Jésus Christ est mort et ressuscité.

Par une heureuse coïncidence, ma visite a lieu quelques jours après la célébration du cinquantième anniversaire de la promulgation du Décret du Concile Vatican II sur la recherche de l’unité entre tous les chrétiens, Unitatis redintegratio. Il s’agit d’un document fondamental par lequel a été ouverte une voie nouvelle pour la rencontre entre les catholiques et les frères d’autres Églises et Communautés ecclésiales.

En particulier, par ce Décret, l’Église catholique reconnaît que les Églises orthodoxes « ont de vrais sacrements, – principalement, en vertu de la succession apostolique : le Sacerdoce et l’Eucharistie, – qui les unissent intimement à nous » (3). En conséquence, on affirme que, pour garder fidèlement la plénitude de la tradition chrétienne et pour conduire à terme la réconciliation des chrétiens d’Orient et d’Occident, il est de la plus grande importance de conserver et de soutenir le très riche patrimoine des Églises d’Orient, non seulement en ce qui concerne les traditions liturgiques et spirituelles, mais aussi les disciplines canoniques, entérinées par les saints pères et par les conciles, qui règlent la vie de ces Églises (4).

J’estime important de rappeler le respect de ce principe comme condition essentielle et réciproque au rétablissement de la pleine communion, qui ne signifie ni soumission l’un à l’autre, ni absorption, mais plutôt accueil de tous les dons que Dieu a donnés à chacun pour manifester au monde entier le grand mystère du salut réalisé par le Christ Seigneur, par l’Esprit Saint. Je veux assurer à chacun de vous que, pour arriver au but désiré de la pleine unité, l’Église catholique n’entend pas imposer une quelconque exigence, sinon celle de la profession de foi commune, et que nous sommes prêts à chercher ensemble, à la lumière de l’enseignement de l’Écriture et de l’expérience du premier millénaire, les modalités par lesquelles garantir la nécessaire unité de l’Église dans les circonstances actuelles : l’unique chose que désire l’Église catholique, et que je cherche comme Évêque de Rome, « l’Église qui préside dans la charité », c’est la communion avec les Églises orthodoxes. Cette communion sera toujours le fruit de l’amour « qui a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (5), amour fraternel qui donne expression au lien spirituel et transcendant qui nous unit comme disciples du Seigneur.

Dans le monde d’aujourd’hui se lèvent avec force des voix que nous ne pouvons pas ne pas entendre, et qui demandent à nos Églises de vivre jusqu’au bout le fait d’être disciples du Seigneur Jésus-Christ.

La première de ces voix est celle des pauvres. Dans le monde, il y a trop de femmes et trop d’hommes qui souffrent de grave malnutrition, du chômage croissant, du fort pourcentage de jeunes sans travail et de l’augmentation de l’exclusion sociale, qui peut conduire à des activités criminelles et même au recrutement de terroristes. Nous ne pouvons pas rester indifférents devant les voix de ces frères et sœurs. Ils nous demandent, non seulement de leur donner une aide matérielle, nécessaire en de nombreuses circonstances, mais surtout que nous les aidions à défendre leur dignité de personne humaine, de sorte qu’ils puissent retrouver les énergies spirituelles pour se relever et être de nouveau protagonistes de leur histoire. Il nous demandent aussi de lutter, à la lumière de l’Évangile, contre les causes structurelles de la pauvreté : l’inégalité, le manque d’un travail digne, d’une terre et d’une maison, la négation des droits sociaux et des droits du travail. Comme chrétiens nous sommes appelés à vaincre ensemble cette mondialisation de l’indifférence qui aujourd’hui semble avoir la suprématie, et à construire une nouvelle civilisation de l’amour et de la solidarité.

Une seconde voix qui crie fort est celle des victimes des conflits en tant de parties du monde. Cette voix nous l’entendons très bien résonner d’ici, parce que des nations voisines sont marquées par une guerre atroce et inhumaine. Troubler la paix d’un peuple, commettre ou consentir toute espèce de violence, spécialement sur les personnes faibles et sans défense, est un péché très grave contre Dieu, parce que c’est ne pas respecter l’image de Dieu qui est dans l’homme. La voix des victimes des conflits nous pousse à avancer rapidement sur le chemin de la réconciliation et de la communion entre catholiques et orthodoxes. D’ailleurs, comment pouvons-nous annoncer de manière crédible le message de paix qui vient du Christ, si, entre nous, continuent d’exister des rivalités et des querelles (6) ?

Une troisième voix qui nous interpelle est celle des jeunes. Aujourd’hui, malheureusement, il y a beaucoup de jeunes qui vivent sans espérance, vaincus par le découragement et la résignation. Beaucoup de jeunes, de plus, influencés par la culture dominante, cherchent la joie uniquement dans la possession de biens matériels et dans la satisfaction des émotions du moment. Les nouvelles générations ne pourront jamais acquérir la vraie sagesse ni maintenir vivante leur espérance si nous ne sommes pas capables de valoriser et de transmettre l’authentique humanisme, qui surgit de l’Évangile et de l’expérience millénaire de l’Église. Ce sont justement les jeunes – je pense par exemple aux multitudes de jeunes orthodoxes, catholiques et protestants qui se rencontrent dans les rassemblements internationaux organisés par la communauté de Taizé – qui aujourd’hui nous demandent de faire des pas en avant vers la pleine communion. Et cela non parce qu’ils ignorent la signification des différences qui nous séparent encore, mais parce qu’ils savent voir au-delà, ils sont capables de recueillir l’essentiel qui déjà nous unit.

Sainteté, nous sommes déjà en chemin vers la pleine communion et déjà nous pouvons vivre des signes éloquents d’une unité réelle, bien qu’encore partielle. Cela nous conforte et nous soutient dans la poursuite de ce chemin. Nous sommes sûrs que le long de cette route nous sommes soutenus par l’intercession de l’Apôtre André et de son frère Pierre, considérés par la tradition comme les fondateurs des Églises de Constantinople et de Rome. Invoquons de Dieu le grand don de la pleine unité et la capacité de l’accueillir dans nos vies. Et n’oublions jamais de prier les uns pour les autres.

(1) Jn 1, 39
(2) Jn 1, 40-42
(3) Unitatis redintegratio, 15
(4) Unitatis redintegratio, 15-16
(5) Rm 5, 5
(6) Paul VI, Evangelium nuntiandi, 77

Romilda Ferrauto a rencontré à Istanbul Laki Vingas, représentant des Fondations non-musulmanes de Turquie. Ce laïc grec-orthodoxe, collabore pleinement avec le Patriarcat œcuménique. Il a été récemment invité à Paris au sein du CERI-Sciences Po pour donner une conférence sur « les minorités religieuses dans la Turquie contemporaine ».Il nous confie l’importance que revêt pour lui en tant que fidèle orthodoxe la visite du Pape François, ce qu’il en est du dialogue entre catholiques et orthodoxes et sur la situation de la minorité chrétienne en Turquie

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