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24 février 2014 1 24 /02 /février /2014 01:31

Saint Jean de Saint Denis

(1963)


Paul, en son hymne à la charité, nous oblige à dépasser toutes les conceptions et nous place devant une triade dont Platon donnait la définition : «beauté, vérité et bonté». Cette triade apparaît à l'humanité comme parfaite, nous la regardons de loin comme un idéal presque hors d'atteinte : l'apôtre la déchire et nous emporte plus loin, versl'agapè, l'amour.

Épître bouleversante, non seulement par la description de la charité, mais par la valeur que Paul lui confère. Et quelle charité ? Écoutez-moi bien ! Voici sa pensée : si vous avez le langage angélique, si vous avez la possession de la beauté, l'harmonie des mots, l'art parfait, la contemplation sans faille, si l'univers est devenu harmonieux et beau, sans la charité, c'est un monde qui résonne comme une cymbale vide. Méprise-t-il la beauté ? Aucunement. Il dit que la beauté pour la beauté ne suffit point ; il existe quelque chose qui doit la surpasser, lui donner un sens, être sa source : la charité ; autrement elle n'est qu'une cymbale apparente, sonore et vide.

Saint Paul pousse la vérité jusqu’à l'extrême : au-delà de toutes les sciences, au-delà de la puissance de transporter les montagnes, de la connaissance du monde, des mystères les plus cachés, au-delà des gnoses, des connaissances et sciences ; si on a même la force de transformer le monde par notre foi, notre parole (que peut-on avoir de plus ?) sans la charité, ceci n'estrien..

Il nous étonne encore plus. Oui, les chrétiens ont pris l'habitude de passer outre la beauté et la vérité. Mais quepeut-on faire de plus que d'accepter la beauté et la vérité ?

Et voici, il déclare que distribuer ses biens, nourrir les pauvres, donner son corps et sa vie pour les autres (et que peut-on donner de plus ?) sans la charité,l'agapè, cela ne sert derien.Il nous prend à la gorge, il ne nous permet pas de nous arrêter à mi-chemin. Que sont donc ce vide, ce rien, cet inutile, d'où vient ce langage qui nous glace ? Le vide, le rien, l'inutile ne sont-ils pas la nature même de la création, tirée du néant par Dieu ? Derrière la beauté, derrière la vérité, la puissance, notre amour, notre charité, le don de notre corps, Dieu n'est pas ? Alors, nous tombons dans le vide. Mais, derrièretout, il y a Dieu-agapè, la Trinité : tout passera mais la charité demeure. Éblouissant ! Lorsque je m'arrête à ce passage de l'apôtre qui, sans mâcher les mots, nous oblige à ne pas nous gargariser de beauté et d'harmonie terrestre ni de l'action la plus noble, ni même du martyre, des naissances, des puissances et des évolutions, et qui l'affirme : tout n'est rien, s'il n’y a pas l'agapè... je suis ébloui !

Il nous donne ensuite douze définitions de cetteagapè, voulant la serrer de toutes parts, parce qu'elle est insaisissable, parce que nous ne savons pas ce qu'elle est !

De quelle agapè Paul parlait-il ? Notre bonté ? Non ! Il parle de cette agapè, cet amour qui forme le foyer de la vie divine, ce feu qui brûle entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit et qui, en dernier lieu est :TOUT!

L'Évangile nous introduit dans un autre domaine : «Voici, nous montons à Jérusalem et le Fils de l'homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes. Ils le condamneront à mort, ils le livreront aux Gentils qui se moqueront de Lui, le battront de verges et Le feront mourir, et, trois jours après, Il ressuscitera» (Lc 18, 31-33).

Quand nous écoutons ces paroles du Christ, rien ne nous semble mystérieux, car Il prévient les apôtres de faits concrets : Il sera livré aux Gentils, recevra les crachats et les humiliations, la mort, et ressuscitera. Et cependant les apôtres ne comprirent pas ces paroles jusqu’à l’heure où elles furent accomplies par sa mort et sa résurrection. Ils ne comprirent pas sa mission sur terre : ils étaient distraits par les miracles, l'enseignement, et ne pouvaient comprendre le noyau, l'essentiel, à savoir pourquoi le Christ était venu, pourquoi Il devait vaincre la mort par la mort, pourquoi cette humiliation, cette abnégation pour exalter notre nature, tout ceci leur échappait.

Je pense, précisément, que cette simplicité des paroles du Christ cache le mystère parce que nous n'entendons pas l'essentiel. Les croyants eux-mêmes vivant profondément dans l'Église, écoutent une multitude de paroles... mort, résurrection ; ils passent... l'essentiel ne résonne pas !

Voyez, voyez, on peut prêcher des siècles et des siècles, nos oreilles sont fermées, nos yeux sont aveugles.

Voici le sens du dimanche de Quinquagésime précédant la période de Carême : il faut ouvrir les oreilles et les yeux de notre cœur, être attentif afin que les verbes du Christ ne restent pas à côté de nous, mais entrent en nous.

Période d'intériorisation. Que tout notre être soit l'oreille de Marie écoutant le Christ, que nos yeux soient les yeux de l'aveugle guéri, que notre attention soit un accueil vigilant, éloignant l'inutile. Disons avec Éphrem le Syrien : «L'esprit de dispersion et d'oisiveté, éloigne de moi, Seigneur !».

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Published by Monastère Orthodoxe de l'Annonciation - dans Homélies

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