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5 avril 2014 6 05 /04 /avril /2014 00:32

 

 

St-Photius

 

Il y aura alors un exode massif des Russes vers l’Occident, à partir de 1919-1920 (environ un million de personnes) : ce sont essentiellement des gens cultivés, des intellectuels, des fonctionnaires, des cadres, des entrepreneurs, des artistes, toute l’élite de la nation. Il y aura peu d’ecclésiastiques au début, parce qu’ils sont restés près de leurs fidèles, et peu de militaires, parce qu’ils se battent contre les Rouges. Ils sont nombreux à venir en France parce que la Russie entretenait des relations très fortes avec la France, où beaucoup de grandes familles avaient des propriétés. Lénine les a laissés partir parce qu’il n’avait pas les moyens de les anéantir14 et qu’il fallait d’abord conquérir le pays russe pour y installer une administration communiste. Ceux qui ne voudront pas partir seront expulsés15.

Cet effondrement de la « Sainte Russie » va amener beaucoup d’intellectuels orthodoxes à réfléchir sur le sens de cette épreuve. Parmi ces émigrés, il y a la famille Kovalevsky. C’était une vieille et grande famille russe de Saint-Pétersbourg, originaire d’Ukraine, au service de l’Etat et de l’Eglise depuis le 13e siècle, qui avait donné à la Russie des intellectuels, des savants, des généraux et des ministres16. Eugraph Kovalevsky père était député à la Douma et rapporteur du budget de l’Instruction publique et du Saint Synode. Les parents avec leurs trois enfants (Pierre, Maxime et Eugraph) arrivent à fuir en Ukraine17 en 1918, puis à s’embarquer en Crimée pour la France, en 1919.

Ils font une escale à Constantinople. La veille du départ pour la France, le jeune Eugraph glisse un billet sous la porte des trois églises russes de la ville : « La Révolution est permise par Dieu afin de purifier l’Eglise et pour l’éclatement universel de l’Orthodoxie ». Il avait 15 ans ! Eugraph écrira plus tard, dans ses mémoires18 : « En 1919, avant de prendre le bateau pour la France, deux idées s’étaient imposées à mon esprit : Dieu a voulu l’émigration orthodoxe en Europe afin qu’elle apporte la lumière de l’Orthodoxie, qui, durant 1 000 ans, s’est désintéressée de l’Occident ».

Maxime Kovalevsky cite encore son frère Eugraph : « deux sentiments aigüs m’animent : la splendeur de l’Orthodoxie et le péché des Orthodoxes, avec leur indifférence vis-à-vis des autres peuples ou plutôt leur satisfaction statique. Ce péché est lavé par le martyre de la Russie et la mission des orthodoxes en Occident »19.

La famille s’installe dans sa villa de Beaulieu (Côte-d’Azur), puis vient à Paris (à Meudon) en 1920.

Les trois jeunes gens reprennent leurs études, tandis que leur père se consacre à la restructuration de l’Eglise russe à Paris, en introduisant les réformes décidées par le concile de Moscou de 1917-

1918, auquel il avait participé. Les jeunes russes fréquentent assidûment l’Eglise, découvrent l’Occident dont ils connaissaient déjà bien la culture (ils parlaient couramment trois langues : russe, français, allemand) et réfléchissent beaucoup entre eux et avec d’autres jeunes émigrés.

 

Quelques années plus tard, en 1925(20), un groupe de huit jeunes russes décide de créer une « confrérie » (c’est-à-dire une association de laïcs) dans le but de défendre et promouvoir l’indépendance et l’universalité de l’Orthodoxie, en affirmant dans leur manifeste20 :

-que l’Eglise orthodoxe est la seule et vraie Eglise du Christ,

-qu’elle n’est pas seulement orientale, mais universelle, pour tous les peuples,

-que chaque peuple doit y avoir sa place (« son droit personnel »), sa constitution canonique autocéphale, la sauvegarde de ses coutumes, de ses rites et de sa langue liturgique.

Le manifeste se terminait ainsi : « Nous confessons l’unité dans la multiplicité et la liberté… ».

 

(14) Lénine crée le « Goulag » dès le 15 avril 1919, mais il faudra du temps pour que cette industrie d’anéantissement des êtres humains devienne rentable…

(15) Comme par exemple la famille Lossky, dont le père, Nicolas, était un philosophe célèbre et qui ne voulait pas

quitter la Russie : ils furent expulsés en 1922. Il était trop dangereux pour les communistes de conserver en Russie des intellectuels, qui sont des penseurs, par nature libres.

(16) L’ arrière grand-père, Eugraph (1790-1867), avait été ministre de l’Instruction Publique.

(17) La famille Kovalevsky, originaire d’Ukraine, y possédait une grande propriété, où ils passaient leurs vacances.

Mais celle-ci sera rapidement occupée par les « Rouges » et ils devront à nouveau fuir.

(18) Mémoires d’Eugraph Kovalevsky : il ne s’agit pas à proprement parler d’un ouvrage mis en forme, mais de récits de sa vie, notés par Yvonne Winnaert au fur et à mesure qu’il en racontait des passages, et qu’elle a intitulé « Ma vie ».

Maxime Kovalevsky, qui cite souvent son frère, les nomme ses « Souvenirs ». Ce manuscrit se trouve dans les archives de l’Eglise Catholique Orthodoxe de France et n’a jamais été publié. Il semble que ces souvenirs biographiques aillent jusque vers les années 1950.

(19) Maxime Kovalevsky : Orthodoxie et Occident, renaissance d’une Eglise locale, Paris, l’Ancre, 1994, p.62.

(20). Probablement le 11 février, bien qu’un document d’archives manuscrit porte le 27 janvier (cité par R. et C.

Bange). Texte complet (et exact) du Manifeste chez Vincent Bourne, La Divine contradiction, 1975, p.78-79.


 

 

Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale

- Université d’été 2013-

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Published by Monastère Orthodoxe de l'Annonciation - dans Enseignement spirituel

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