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10 novembre 2014 1 10 /11 /novembre /2014 04:40

1. Quelques jalons.


Quitte à rappeler ce que les gens intéressés connaissent bien, je voudrais évoquer des faits qui remontent un peu loin et qui ont abouti à la situation que nous connaissons actuellement. Il faut préciser que le problème du sacerdoce féminin a des résonances bien moindres, selon que l'on considère des pays du Moyen Orient, la Russie ou la Grèce, ou ceux d'Europe et d'Amérique.

Le problème de la place des femmes dans l'église avait été posé à la conférence d'Agapia (1976), organisée par le COE mais sur invitation du Patriarcat de Roumanie et les voeux de conclusion recommandaient d'explorer de nouvelles formes de service des femmes dans l'église, plus en rapport avec les besoins du monde actuel (3) . Il faut aussi rappeler que des débats ont eu lieu sur ce sujet au cours d'une rencontre du COE à Sheffield en 1981, à la suite de trois années de discussion préparatoires. Elles ont abouti à un rapport final assez nuancé, mais aussi à une "Lettre aux Eglises" dont les auteurs disaient qu'elle était "inspirée du Saint Esprit", tandis que les Orthodoxes, en particulier, l'ont perçue comme un scandale. En définitive, cette "Lettre" a fait beaucoup de tort au dialogue oecuménique sur le sujet.

Citons aussi le recueil du Père T. Hopko (4) qui résumait les positions théologiques contre le sacerdoce féminin, avec l'argumentation de Monseigneur Kallistos (1. La tradition : "cela ne s'est jamais fait", 2. La valeur iconique du célébrant à l'Eucharistie, il représente le Christ, il doit donc être un homme) et celle du Père Thomas Hopko lui- même ("l'ordre naturel" à savoir le lien entre la masculinité du Christ d'une part et la relation spécifique de Marie avec l'Esprit Saint d'autre part, ce qui établit définitivement la différence des sexes, en quelques sorte sacralisée par la Sainte Trinité)

Une date très significative est celle de la rencontre orthodoxe de Rhodes (1988). Officiellement la question du sacerdoce féminin était écartée, le sujet de la conférence étant la place de la femme dans l'église. Son but était de rédiger un document qui résumerait l'argumentation théologique orthodoxe contre l'ordination des femmes. Mais la discussion a été très franche et ouverte et de nombreuses femmes y ont participé (5). Dans son introduction au texte anglais, G.Limouris précisait qu'il n'y avait pas d'opposition théologique majeure à la possibilité d'ordonner des femmes à la prêtrise, mais une grande variété d'opinions exprimées (6).

Curieusement si l'on se rapporte au texte même des Conclusions (7), on constate dans les formulations une grande diversité, pour ne pas dire des contradictions. Dans la section A, consacrée à la place des femmes dans l'orthodoxie, les parties I,II et III qui constatent l'égalité devant Dieu de tous les fidèles ("race élue", "sacerdoce royal", "nation sainte", "peuple à part") sont très belles. Mais dans la IIIe déjà et dans la IVe sont introduites les typologies "Adam-Christ" et " Eve-Marie" et ces parties sont confuses, à cause de l'argumentation sur la masculinité du sacerdoce. La Ve partie et, dans la section B, la VIe sur lesquelles l'accord des orthodoxes ne pose aucun problème ont le mérite d'affirmer non pas l'identité, mais l'égalité entre hommes et femmes dans l'église, la distinction ne dénotant aucune forme de supériorité de l'un ou l'autre sexe devant Dieu. Mais avec le recul du temps, de nos jours, ces phrases résonnent en certains coins reculés du monde orthodoxe un peu comme des voeux pieux. Toujours dans la section B, les parties VII, VIII, IX et X résument le malaise orthodoxe devant les autres églises sur ce sujet . Le § 36 suggère que l'on pourrait permettre aux femmes d'accéder par imposition des mains aux ordres inférieurs (sous-diacres, lecteurs, chantres, enseignants).

Cette description rapide met en valeur bien des contradictions et confusions, et montre que la réflexion théologique n'est pas encore approfondie. Pourtant la consultation de Rhodes a compté une quinzaine d'évêques, presque toutes les églises orthodoxes étaient représentées et ses Conclusions auraient pu avoir valeur de texte officiel. Mais au stade actuel des choses, on peut dire que ce sont des pistes de réflexions et non des conclusions, ce qui est peut-être un avantage.
Un jalon important fut le livre d'E. Behr-Sigel sur le Ministère de la femme dans l'église (voir note 1). Dans sa préface au livre, le Métropolite Antoine de Souroje écrivait : "La question de l'ordination des femmes au sacerdoce ne fait qu'être posée. Pour nous, orthodoxes, elle nous vient "du dehors". Elle doit nous devenir "intérieure". Elle exige de nous une libération intérieure et une communion profonde avec la Vision et la Volonté de Dieu, dans un silence priant." (op.cit.p.II). On sait que le Métropolite Antoine a fait depuis des conférences sur le sujet. Ce n'est sans doute pas parce qu'il réside en Angleterre qu'il est partisan de l'ordination des femmes, mais plutôt parce qu'il a vaincu en lui-même une réticence psychologique et aussi parce qu'il est attaché à l'argument anthropologique dont il sera question plus loin.

Plus près de nous quelques articles montrent que la discussion se poursuit. Une théologienne orthodoxe américaine, spécialiste de patrologie, Verna F.Harrison, insiste beaucoup sur certains dangers de l'argumentation orthodoxe contre l'ordination des femmes à la prêtrise (8). L'une de ses observations préliminaires me paraît très juste : les positions orthodoxes peuvent être extrêmes, pour ou contre le sacerdoce féminin, mais l'indifférence générale, ou la sérénité individuelle s'expliquent sans doute par le désir d'éviter à tout prix des discussion sur des problèmes qui puissent être source de désaccord profond ou de division. L'auteur insiste en particulier sur le fait que les textes patristiques sur le sujet sont souvent liés à un contexte culturel spécifique, dans lequel le leadership masculin était la norme. Elle écarte aussi l'argument des charismes masculins et féminins , en insistant sur les conséquences et implications sociales désastreuses que peut entraîner ce genre d'affirmation, en "légalisant" , à l'aide de convictions religieuses, un système socio-politique quelconque d'oppression de la femme.

Elle parle également du dangereux argument de l'ordre naturel qui tend à introduire des distinctions de genre dans la Sainte Trinité. Citons l'une de ses mises en garde finales: "Il est peut-être possible d'affiner les distinctions entre la nature des hommes et des femmes, de même que les différences entre les groupes culturels, mais nous ne devons pas laisser nos problèmes de genre devenir une sorte de néo-phylétisme qui introduirait la division dans notre vie ecclésiale." La conclusion de la théologienne paraît pleine de bon sens, d'esprit de charité et en même temps d'ouverture : " Le caractère masculin du prêtre occupe une place importante dans la prière communautaire orthodoxe. Mais n'oublions pas que cet aspect entre dans un ensemble plus vaste. Il contribue à l'unité d'amour et de plénitude de vie en Christ auxquelles tous, hommes et femmes, nous sommes appelés à participer. L'amour et la vie nous sont offerts par Dieu sans limite, nous pouvons tous tout recevoir par l'humilité et le repentir, quelles que soient nos circonstances ou nos limitations humaines" . Et plus loin " La vie dans l'Eglise ne doit jamais devenir légitimement un instrument d'oppression. Lorsque cela arrive, nous devons nous repentir" (9).

Cette dernière idée semble enfin purifier la discussion de la notion de pouvoir masculin supérieur et partant de toute infériorité du "sexe faible". Citons enfin une thèse récente, encore inédite, sur les théologies féministes qui consacre un chapitre entier au sujet sous le titre "l'Eglise orthodoxe et l'ordination des femmes" (10) L'auteur accorde une valeur juridique aux "Conclusions de Rhodes" et s'étonne que rien n'ait été entrepris depuis pour réinstaurer le diaconat féminin. Nous reviendrons sur ce point.

 

 


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Published by Monastère Orthodoxe de l'Annonciation - dans Catéchèse

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