La Prière de Jésus a été découverte par un large public grâce notamment aux Récits d'un pèlerin russe à son père spirituel, parus pour la première fois à Kazan en Russie vers 1870. Ce petit livre anonyme, histoire simple des aventures et de la vie spirituelle d'un paysan russe du XIXe siècle en quête de Dieu, reste d'ailleurs une très bonne première prise de contact avec la Prière de Jésus. Le pèlerin fait pénétrer le lecteur au coeur de la campagne russe peu après la guerre de Crimée (1854-1856) et avant l’abolition du servage en 1861. On voit passer les personnages typiques de l’époque : paysans, fonctionnaires, commerçants, artisans, nobles, membres de sectes, instituteurs et prêtres de campagne. Le pèlerin s’inspire de la tradition hésychaste, guidé dans sa recherche de Dieu par un starets (un "ancien") qui l’introduit à la Prière de Jésus, sa seule véritable nourriture.

Dans un langage simple et clair, le pèlerin nous fait entrer dans l’expérience spirituelle au plus haut niveau que l’on associe volontiers au renouveau spirituel de la Russie au XIXe siècle, mouvement que l’on nomme parfois le "renouveau philocalique", puisqu’il a été largement inspiré par la diffusion de la fameuse Philocalie. En fait, le pèlerin n’a que deux livres : la Bible et la Philocalie. La Philocalie des Pères neptiques, publiée en grec à Venise en 1782 et en slavon à Moscou en 1793, est une anthologie d'écrits spirituels centrés sur l'hésychasme et la Prière de Jésus, par les grands maîtres de la spiritualité de l'Église d'Orient entre le IVe et le XIVe siècle. Le mot Philocalie veut dire en grec "amour de la beauté" ; ici, la vraie beauté est la beauté spirituelle : Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur (Mt 6,21). La Petite Philocalie de la prière du cœur de Jean Gouillard est composée d'extraits de la grande Philocalie concernant la Prière de Jésus.

La première traduction française des Récits d'un pèlerin russeremonte à 1928, dans la revue Irénikon du monastère bénédictin d’Amay en Belgique (devenu le monastère de Chevetogne). Cette première parution modeste n’a connu qu’une distribution restreinte et il faut attendre à 1943, en pleine guerre, pour une première publication dans le marché commercial.
 
La traduction des Récitspar Jean Laloy, écrivant sous le nom de plume de Jean Gauvin, est parue aux Éditions Nestlé à Neuchâtel et reprise depuis aux Éditions du Seuil.