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3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 01:43

Liens avec l’évangile de Jean

Les liens avec l’évangile de Jean sont évident. Déjà le prologue de la lettre rappelle celui de l’évangile avec son utilisation du motἀρχῆ, commencement. Le théologien Raymond Brown a suggéré que 1 Jean s’inspire de la structure de Jean et l’imite pour structurer sa lettre1. Il y a de nombreuses analogies entre ces deux écrits, tant sur le plan du langage utilisé ainsi que des thèmes abordés et de la théologie. L’auteur s’adressait donc certainement à un auditoire familier avec le quatrième évangile, voir à des lecteurs pour qui cet évangile était l’écrit fondateur de leur foi. Ainsi, R. Brown pense que 1 Jean pourrait constituer une sorte de « guide de lecture » pour l’évangile de Jean2 tout en dénonçant la fausse lecture qui en est fait par un certain groupe de personnes. Cependant, l’épitre n’est pas adressé aux adversaires, mais aux chrétiens se sentant solidaires avec l’auteur: il s’agit d’une lettre parénétique3. D’après Conzelmann, la marque la plus forte de cette parenté est l’idée d’une eschatologie déjà présente4 (cf. Jean 5,24-25 et 1 Jean 3,14).

Mais malgré les similitudes, il y a aussi des différences; par exemple, en Jean, c’est Jésus qui est désigné comme étant la lumière du monde, alors qu’en Jean, c’est Dieu qui est décrit comme étant lumière; ἀρχῆ en Jean désigné le commencement absolu, alors qu’en 1 Jean ce mot désigne le début de l’Église. Aussi, 1 Jean souligne particulièrement la mort expiatoire de Jésus et son sang et la distinction du péché qui mène à la mort et des péchés ne menant pas à la mort – des idées nouvelles par rapport à l’évangile. Une autre différence importante d’avec l’évangile constitue le fait que 1 Jean a comme un des points centraux la polémique contre les faux docteurs et la fausse doctrine et fait donc état de la prise de conscience du problème de l’orthodoxie (et de l’hérésie) dans l’Église; ce fait peut conduire à situer 1 Jean à une période postérieure à l’évangile de Jean.

Situation de la communauté destinataire

Il n’est jamais facile de reconstruire la situation historique dans laquelle un écrit du Nouveau Testament -et de surcroit une lettre- a été écrite. Ce qui est sûr, c’est que 1 Jean fait écho d’un conflit au sein de cette communauté.

1 Jean 2,18 et suivants parlent des antichrists qui seraient venu, et qu’ils sont sortis de la communauté johannique elle-même. Il est donc question de groupes en conflit ici: la communauté des fidèles, partageant la même foi que l’auteur de l’épitre, et un autre groupe qui est accusé d’avoir quitté la foi authentique. Ici apparait le critère de la bonne confession de foi comme signe de l’authenticité d’icelle, et on peut parler ici de l’apparition d’une notion d’orthodoxie.

Le point de contestation entre ces deux groupes est avant tout la christologie: la signification et nature exacte de l’incarnation est en question. Alors que l’auteur de la lettre insiste sur ce que l’homme Jésus est indissociable du Christ de Dieu, ses opposants font la distinction entre les deux5. En plus, étant sûrs d’être habités par l’Esprit, les opposants avaient la ferme conviction d’être sans péché, et ainsi la vie dans le monde avec ses implications éthiques n’avait plus de signification pour eux.

Identifier ces faux docteurs n’est pas chose aisée, et différentes hypothèse ont été proposés par des commentateurs:

  • des Juifs: cette hypothèse est peu vraisemblable. Les faux docteurs sont issus de la communauté de Jean. Ce groupe ne conteste pas la signification du Christ, mais a une christologie peu orthodoxe. Également en cause est sa conduite, ou sa manque de conduite éthique .
  • Des Docètes6: cette hypothèse a été très prisée et l’attaque de Jean pourrait très bien viser certaines doctrines docètes. Par contre, on peut aussi dire que les opposants dont parle Jean n’ont pas refusé l’humanité de Jésus, mais son rôle dans l’économie du salut.
  • Des Gnostiques7: déjà l’Église ancienne a vu des gnostiques dans les opposants. Cette idée a été souvent reprise, mais on pourrait objecter que les éléments constitutifs du système gnostique (cosmologie, anthropologie…) manquent dans ce que Jean dit des opposants et d’autre part, les premières attestations écrites de ce système de pensée sont plus tardifs que 1 Jean8. Néanmoins, des éléments gnostiques pouvaient très bien faire partie de la pensée des opposants.
  • Une autre hypothèse est que les opposants constituent un groupe d’ultra-johannites (terme utilisé par Zumstein9) qui radicalisaient à outrance leur lecture de certains passages de l’évangile de Jean. Avec 1 Jean, on se trouverait alors au milieu d’un conflit au sujet de la compréhension juste de l’Évangile: une lecture « orthodoxe » qui souligne l’historicité de l’incarnation, s’opposant à une lecture gnosticisante de l’évangile. L’environnement religieux de l’époque, et surtout l’émergence progressive de la gnose dans des milieux juifs hétérodoxes a pu contribuer à l’éclatement de cette crise10.

1Marguerat, (2004), 372

2Marguerat, (2004), 373

3Le mot « parénèse » vient du grec pareinesis et désigne une prédication ou un discours de type moral qui a pour objet l’exhortation à la vertu.

4Conzelmann/Lindemann, (1999), 406

5Selon eux, le Christ aurait fait sa demeure en Jésus lors du baptême, et l’aurait quitté au moment de la crucifixion: l’homme Jésus n’aurait été que le véhicule d’une sorte de Christ cosmique. Ainsi, la mort de Jésus sur la croix n’a aucune vertu sotériologique: elle ne peut pas sauver les êtres humains.

6Le docétisme (du grec dokein, paraître) désigne généralement un courant du début du christianisme. Les docètes enseignaient que, selon eux eux, Jésus n’a pas de corps physique et que la crucifixion est une illusion. Ce genre de croyances était communément attribuée aux gnostiques, qui associaient la matière au mal, et pensaient donc que Dieu ne se serait pas incarné dans un corps matériel. Cette idée est associé à l’idée qu’une étincelle divine est emprisonnée dans le corps matériel, et que la chair est donc un obstacle qui empêche l’homme de se rendre compte de son origine divine.

7Le gnosticisme se caractérisa généralement par la croyance que les hommes sont des âmes divines emprisonnées dans un monde matériel créé par un dieu mauvais ou imparfait appelé le démiurge. Le mouvement avait son apogée au cours du 2ème siècle, mais malgré sa disparition au cours du 3ème siècle, influença d’autres mouvements comme par exemple le catharisme. Le démiurge peut être considéré comme un dieu mauvais, ou imparfait (Le Dieu d’Israël a été identifié au démiurge, en opposition avec le Dieu de Jésus). Il existe donc un autre être suprême plus éloigné et dont la connaissance est difficile, et qui lui est le Dieu suprême, le Père, le Bien suprême (dans la pensée des gnostiques-chrétiens, ce Dieu-là serait le Dieu père de Jésus). Afin de se libérer du monde matériel inférieur, l’homme a besoin de la gnose (γνώσις, gnốsis « connaissance »), une connaissance spirituelle ésotérique disponible à travers l’expérience ou la connaissance de l’être suprême. Jésus de Nazareth est alors une sorte d’incarnation ou apparition de l’être suprême pour apporter la gnose aux hommes. Selon eux, l’humanité est divisée en trois catégories: ceux qui se savent pourvus d’une perfection innée dont la nature est esprit (les pneumatiques ou spirituels qui sont prédestinés au salut) ; ceux qui n’ont qu’une âme et point d’esprit, mais chez qui le Salut peut encore être introduit par instruction (les psychiques); et finalement, ceux qui ont ni esprit ni âme et sont donc uniquement constitués d’éléments charnels voués à la destruction (les hyliques). Le mal vient de ce que des éléments « étincelles » supérieurs (divins) sont tombés accidentellement dans ce monde matériel et sexué, où ils ont été enfermés et sans pour autant perdre leur pureté. Le but premier du gnostique est la délivrance de sa parcelle divine, aliénée dans un monde matériel corrompu, et sa remontée vers les sphères célestes. Cette délivrance passe par la Gnose; il n’y a donc pas besoin d’un Rédempteur personnel donnant sa vie. Le seul sens qu’on peut alors donner à la vie dans ce monde est de permettre la libération de l’esprit endormi en l’homme.

8Marguerat, (2004), 379

9Marguerat, (2004), 379

10Marguerat, (2004), 379

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Published by Monastère Orthodoxe de l'Annonciation - dans Enseignement spirituel

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