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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 16:19

LA CROIX

En janvier dernier, six chrétiens coptes ont été tués dans une fusillade la veille du Noël copte, à Nagaa Hammadi, en Haute-Égypte. Tandis que le procès des trois accusés a été une nouvelle fois repoussé, les habitants s’interrogent sur les motifs de l’attaque

En silence, les visiteurs se passent une chemise soigneusement pliée et emballée dans du plastique. Chacun la regarde attentivement, la presse contre son front et l’embrasse. Sur le tissu blanc, des tâches de sang séché. « C’est le sang d’Abanob. Son frère David portait cette chemise le jour de la fusillade, lorsqu’il l’a secouru », explique Zeze, la mère d’Abanob Kamel, l’un des six jeunes coptes de Nagaa Hammadi tués dans la fusillade du 6 janvier.

Une trentaine de jeunes garçons et filles emplissent le salon. Ils sont venus présenter leurs condoléances à la famille du « martyr Abanob », comme presque chaque semaine depuis l’attaque. Tous connaissaient l’étudiant en droit de 19 ans, dont plusieurs portraits ornent la pièce. « Si la justice égyptienne fonctionne, les meurtriers doivent être pendus », lance Kamel Nashed, le père de la victime. « Mais nous voulons aussi savoir qui sont les commanditaires », ajoute-t-il, les traits tendus.

À Nagaa Hammadi (80 km au nord de Louxor), les souvenirs du 6 janvier hantent encore chacun. Après la messe de Noël, trois hommes armés avaient tiré sur les fidèles chrétiens à la sortie de l’église Mari Yohanna : quatre jeunes coptes sont tués. Tout comme, au même moment, à l’extérieur de la ville, deux coptes et un musulman qui circulaient dans un taxi sont tués. Cette attaque, la plus meurtrière contre les coptes en dix ans, a fait les titres de la presse étrangère et secoué l’Égypte.

«J’ai été très surpris par la nouvelle de la fusillade»

Depuis les événements d’Al Kocheh – un village à quelques kilomètres de Nagaa Hammadi – en 2000, au cours desquels 21 coptes avaient été tués, le pays n’avait pas connu de violences confessionnelles de cette ampleur. Signe des tensions entre musulmans et coptes (environ 10% de la population), qui s’aggravent depuis quelques années, sous l’effet de la mouvance salafiste et du discours islamophobe de certaines organisations coptes radicales.

En Haute-Égypte, les chrétiens sont proportionnellement plus nombreux que dans le reste du pays. À Nagaa Hammadi, ils représentent entre 30 à 40% de la population. Dans cette ville de 30 000 habitants, entourée de champs de canne à sucre et de palmiers, les chrétiens sont plus « visibles » qu’au Caire : les jeunes filles qui se promènent cheveux au vent ne sont pas rares, et l’on croise de nombreux clochers, toujours flanqués d’un minaret.

L’imposant monastère de Saint Bedaba, un martyr copte du IIIe siècle, se dresse aussi au milieu des champs. « J’ai été très surpris par la nouvelle de la fusillade : les coptes et les musulmans ont toujours vécu en bonne entente à Nagaa Hammadi », affirme Mouhab Al Kady, pharmacien musulman de 26 ans, qui habite la ville voisine de Qena.

«Quelque chose s’est brisé entre les deux communautés»

Les violences de janvier sont pourtant loin d’être les premières. Au cours des années 1990, des groupes djihadistes, telles les Gamaat Islamyia, prospéraient dans la région, et les coptes étaient l’une de leurs cibles. « Des bijouteries appartenant à des chrétiens ont été attaquées à l’époque à Nagaa Hammadi », explique Bola Abdu, 22 ans, militant des droits de l’homme de la ville.

Aujourd’hui, les relations sociales entre coptes et musulmans se limitent souvent au lieu de travail et aux voisins. On présente ses condoléances lors d’un deuil, ses félicitations pour un mariage. « Les musulmans que je connais, je leur dis "bonjour", "bonsoir", et c’est tout », reconnaît Kamel Nashed, le père d’Abanob. Les mariages mixtes sont proscrits, et les amis sont souvent de la même religion.

« Moi j’avais des amis musulmans, mais depuis la fusillade, je ne veux plus les voir », raconte Kirillos Zacharia, 21 ans, le frère d’Ayman Zacharia, tué le 6 janvier. « La vie a repris son cours, tout a l’air normal maintenant, mais en fait quelque chose s’est brisé entre les deux communautés, décrit la tante de Rafic Refat, une autre victime de la fusillade. Les enfants ont vu le sang couler, plus rien ne peut être pareil. »

«Cette attaque est destinée à intimider les coptes»

Le climat de défiance, alimenté par les rumeurs, dépasse Nagaa Hammadi. Dans le village voisin de Farshout, la tension est plus palpable encore. En novembre dernier, une dizaine de commerces chrétiens y ont été pillés et incendiés, en réaction au viol d’une jeune musulmane par un copte, d’après la police. « En Haute-Égypte, le târ (code d’honneur) régit les conflits. Lorsqu’un crime a été commis, le fautif est souvent tué par la famille offensée. Mais c’est ce concept de punition collective contre les coptes qui est nouveau », analyse encore Bola Abdu.

Non loin de la rue principale, Faïz Attalah Saïd, 43 ans, possède un magasin de produits de beauté. Son cousin, Mina Helwy, est l’une des victimes de la fusillade. « J’ai toujours des clients musulmans. Mais je suis méfiant, je m’attends au pire », affirme-t-il. La famille de Mina a dressé un autel à son « martyr » : des bougies éclairent le visage du défunt, entouré d’icônes. « Ils ne veulent plus de chrétiens en Égypte, c’est pour cela qu’ils ont fait ça », lance Shenouda, le père de Mina, qui songe à quitter le pays.

C’est loin d’être l’opinion générale parmi les coptes de Nagaa Hammadi. Presque tous pensent qu’il s’agit d’un acte politique, à l’approche des élections législatives d’octobre. D’autres évoquent aussi des motivations économiques. « À Nagaa Hammadi, les chrétiens sont en général commerçants ou propriétaire de terres, alors que les musulmans sont ouvriers ou employés dans les administrations », explique Salwa, la quarantaine. « Les coptes détiennent le pouvoir économique. Cette attaque est destinée à les intimider », renchérit Mgr Anba Kirillos, évêque de la ville.

Reste que l’attaque est venue encore aggraver les tensions entre chrétiens et musulmans. « Maintenant, un incident bénin peut rapidement dégénérer », estime Mustafa Hussein, 29 ans, musulman de Qena. Des affrontements entre coptes et musulmans ont ainsi éclaté le 13 mars à Marsa Matrouh, dans le nord du pays, à cause de la construction d’un nouveau mur près d’une église.
Nina HUBINET, à Nagaa Hammadi (Haute-Égypte)
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Published by Eglise Orthodoxe : Cathedrale Saint Irenee - dans Actualités

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