18 novembre
Jamais, semble-t-il, l'état du clergé ne fut pire qu'à son époque. " Il n'y a pour ainsi dire plus un seul monastère où la règle soit observée ", disait le pape Jean XI en 931. Quant aux papes euxmêmes, ils se succédaient à la cadence d'un tous les trois ans, grâce au poison qu'on leur administrait ou aux autres accidents mortels qui leur arrivaient. Ils furent alors trente-deux à occuper la chaire de Pierre en un siècle (de 882 à 984). Saint Odon ne fit point cesser cet état de choses; mais il contribua plus que personne à y remédier un peu et, en tout cas, à empêcher qu'il ne s'aggrave. Son père, le seigneur Abbon, l'avait dès le berceau consacré à saint Martin. Quand il eut vingt ans, Odon s'agrégea aux cent cinquante chanoines prébendés qui veillaient, à Tours, sur son tombeau. Il se rendit ensuite à Paris pour étudier les belles-lettres et la musique. En 909, il se fit moine à Baume-les-Messieurs (Jura). L'année suivante, il rejoignit à Cluny (Saône-et-Loire) saint Bernon qui venait d'y établir sa réforme; et en 927, il recueillait sa succession. Ce fut lui qui donna à Cluny cette organisation qui lui permit d'exercer, pendant deux siècles, tant d'influence dans l'Église et dans la politique des États européens. Ce grand homme, à la main de fer, était d'une bonté infinie et d'une humeur toujours joyeuse. " En récréation, il nous faisait rire aux larmes ", écrit un de ses moines. Il versifia et fit de la musique toute sa vie. Dans l'été de 942, se trouvant à Rome pour la quatrième fois, il eut le sentiment de sa fin prochaine. Il partit aussitôt, car ce n'était pas là qu'il voulait mourir. En cours de route, il s'attardait encore à apprendre des antiennes et des cantiques aux pâtres des montagnes et les récompensait quand ils avaient bien chanté. Il mourut, comme il le désirait, à peine arrivé à Tours, près du tombeau de son cher saint Martin.