(1957)
Je le confesse et je vous l'assure, ceux qui se sentent parfois complètement perdus, tristes intérieurement, peuvent réjouir les autres ; ceux qui se croient totalement appauvris de grâces et de dons, qui soupirent intérieurement : «ma vie est inutile», s'ils sont en Christ, enrichissent les autres. J'ai connu des âmes venant vers moi et me disant : «Père, je suis mort, je n'ai plus ni sentiment, ni foi, ni croyance, je ne sais où je vais» ; et ces mêmes gens, s'ils étaient en Christ, donneraient la vie aux autres. De même, parfois, sur le chemin spirituel, il nous semble être arrivés au terme et que des murs se dressent devant nous, nous ignorons vers quoi nous marchons et soudain, nous ressuscitons par grâce divine. Regardons l'histoire de l'Eglise, si méconnue et pourtant connue, persécutée et néanmoins ressuscitant.
Le deuxième enseignement que je voudrais vous communiquer en me basant sur l'apôtre Paul est le suivant : Ne faites pas confiance dans la lutte aux sentiments de votre âme, opposez quelque chose de positif, confessez l'opposé. Vous êtes tristes : confessez la joie ; vous paraissez mort : confessez que vous êtes vivant dans le Christ, car Il vous a donné l'épée de la parole et la confession contre l'évidence psychique. Dans la désespérance, élevez cette épée en chantant : «Je suis joyeux en Christ !» L'âme mortellement blessée par l'inquiétude et l'angoisse, saisissez cette épée en main et chantez : «Dans le Christ, je suis victorieux». C'est la lutte proposée par saint Paul.
Revenons à l'évangile. Jésus, amené par l'Esprit dans le désert, jeûne quarante jours et quarante nuits et ce jeûne est suivi de la tentation de Satan, vaincue par le Christ. A quel instant l'Esprit l'a-t-Il amené dans le Désert ? Quand a-t-Il jeûné ? Après le baptême et la manifestation glorieuse de la Trinité, après le témoignage du Père proclamant : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé», après l'Epiphanie, après la Théophanie.
Je reviens maintenant à cet enseignement touché par le Père Sophronios[4] dans son cours de mercredi à l'Institut. Il y a dans notre âme un moment pour l'appel divin. Dieu nous appelle, se révèle, se manifeste d'une manière ou d'une autre, la joie alors nous submerge, nous transporte, nous sommes comme ailés. Lorsque cette grâce divine est présente - elle peut revenir plusieurs fois dans notre vie - il faut à cette minute précise commencer la lutte du jeûne, afin qu'elle ne soit pas dispersée. Profitons de cette consolation divine pour ouvrir le combat. Et voici, nous commençons !
Cette lutte se prolonge dans la tentation et c'est la grâce d'élection.
Face à la tentation intérieure du mal, nous nous trouvons seuls, sans aide, l'évangile nous le dit : les anges sont venus servir le Christ après la tentation. Nous sommes seuls devant ce problème, ces inquiétudes, ces angoisses, ces péchés qui nous environnent. Il faut batailler, mais comment résister ? La grâce n'est plus, nos mains sont vides, nous sommes affaiblis, nous touchons au seuil de l'enfer.
Il reste toujours une force à portée de main : les paroles de l'Ecriture Sainte et la confession du Christ. Car, en période de tentation, cette grâce d'élection, la foi ardente, l'espérance et l'amour se sont échappés ; les angoisses nous étreignent, l'indifférence et les ténèbres nous saisissent, le cœur est vide cependant que le Mauvais acquiert au contraire une certaine puissance...
N'oubliez pas, n'oubliez jamais que nous avons toujours la confession de Dieu, que nous avons en main l'épée de la parole divine, que la pointe de cette épée est notre salut et que si nous continuons le combat par la confession de notre Sauveur, nous toucherons au terme, le démon nous quittera et les anges viendront nous servir.
Toute âme est conduite de telle manière qu'elle puisse supporter cette épreuve. Dieu ne tente jamais au-dessus de nos forces ! (1 Co 10, 13). Nous avons l'impression psychique que l'épreuve nous dépasse : c'est une illusion. Même le sentiment de ne pouvoir supporter quoi que ce soit est une illusion ! Opposons la prière-confession : je confesse, je crois. Quand nous la dirons, peut-être notre âme ne croira-t-elle pas nos paroles, peut-être notre cœur ne pourra-t-il confesser, mais notre bouche le peut ! Devant notre résistance, je le répète, le diable s'en ira.
Le Christ enseigne : celui qui persévère jusqu'à la fin sera sauvé (Mt 10, 22). Vous me direz : pourquoi, alors, cette deuxième étape, l'étape d'élection ? Pourquoi l'âme doit-elle passer de l'état d'appel, de grâce, de joie, à une période de jeûne et de tentation ? Pourquoi nous laisse-t-Il suivre ce chemin d'enfer, de difficultés, de sécheresse ? Mes amis, parce qu'en cette deuxième étape, plus dure que nous ne le voulons, notre «moi» meurt, notre âme meurt, pour donner beaucoup de fruits.
«Si le grain ne meurt, il restera seul, isolé, mais s’il meurt, il sera chargé de fruits» (Jn 12, 24).
Au long de la quarantaine de notre âme, grâce à elle, nous nous dépouillons librement de l'homme ancien et nous ressuscitons en Christ. Amen.