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8 janvier 2010 5 08 /01 /janvier /2010 08:47

Homélie du père André Scrima
(26 décembre 1973)


Il faut bien reconnaître, mes chers frères, qu'il nous est finalement difficile de vraiment nous situer auprès de cet enfant qui naît aujourd'hui et qui est Dieu lui-même. De fait, ceux qui, parmi ses contemporains immédiats, étaient encore éclairés de l'intérieur par cette extase suprême de la connaissance poétique, savaient encore livrer, très profondément et très silencieusement, ce qui s'est accompli en Dieu, ces jours-ci, entre les étoiles, les anges et les bergers. Tous ceux-là, au-delà de leur apparence extérieure, faisaient surgir à l'intérieur, au plus profond de notre cœur, la vérité de la naissance de Dieu. Ils savaient la reconnaître, ils savaient la garder dans leur cœur. Et ils devaient le faire dans la plus parfaite discrétion, sans éprouver d'impatience, sans se laisser bouleverser par la faiblesse, la faiblesse apparente de cet enfant...

Je dirais que notre difficulté aujourd'hui vient peut-être, de façon inattendue, du fait que nous sommes devenus nous-mêmes trop petits, sans être véritablement grands, que nous sommes devenus trop petits devant Dieu. Nous nous sommes tellement appliqués à le considérer comme écrasant de grandeur, terrible de majesté, puissant dans sa transcendance, que nous nous sommes toujours sentis – même en ce jour, quand lui-même veut se renouveler sous la forme d'un enfant – toujours plus petits que lui.

Or, voilà l'épreuve de la foi : se sentir, à un moment donné, plus grand que Dieu, plus grand que ce Dieu qui naît comme un être petit, un être chétif de rien du tout, qui est pris dans les bras de sa mère, étendu dans une pauvre mangeoire, qui n'est rien humainement parlant. Il est plus petit, alors que tous autour de lui, et le bœuf et l'âne, et Joseph et Marie, et les anges, les mages et les bergers, que sais-je encore, et les chiens et les chats, sont infiniment plus grands que lui, puisque ce sont des êtres déjà formés. Dieu est le plus petit et nous sommes plus grands que lui. Et, à ce moment-là, nous devons redécouvrir cette merveille insondable de la petitesse de Dieu.

Acceptons, dans notre grandeur, tout simplement naturelle, de nous pencher auprès du petit enfant et de nous laisser remplir de son enfance, précisément, de son silence, [...] de cette lumière toute discrète, de cette tendresse très profonde. Un mystique allemand disait naguère : « Ce qui est propre à Dieu, ce n'est pas de nous écraser par ce qui est le plus grand, le plus immense, mais de se laisser contenir lui-même par ce qui est le plus petit ». Eh bien ! Le voici, il s'est laissé contenir par ce qui est le plus petit, le premier commencement de l'homme : l'enfance. Et nous qui sommes autour de lui, grands de cette grandeur qui est tout simplement matérielle, nous voici invités par lui à redécouvrir ce que signifie être humain, à nous laisser contenir par ce qui est le plus petit, par ce qui ne se trouble pas, par ce qui n'est pas impatient, par ce qui n'a pas honte de soi-même, par ce qui n'est pas grand dans l'ordre de la puissance, mais ce qui est très petit dans ce même ordre, et ce qui est tout, parce que l'enfant adhère totalement à lui-même.

Il y a, enfin, une autre épreuve de la foi qui nous attend devant ce Dieu qui naît : à peine est-il né que précisément ceux qui sont autour de lui se ruent – et Hérode en est le symbole –, se ruent contre lui, déclenchent contre lui cette guerre qui est au cœur même de l'histoire. Qui l'emportera ? L'homme, comme je disais tantôt, l'homme qui est très puissant, adulte, avec des armées et avec tous les moyens d'action contre ce petit enfant qui n'est rien, et que l'homme peut réduire encore, si possible, plus totalement, en le tuant ? Ou bien alors, lui-même, qui est là, impuissant, silencieux, sans défense, mais qui se confie à deux ou trois personnes qui savent le garder dans leur cœur et le porter dans leurs bras ? Et il en sera ainsi jusqu'à la fin du monde, si l'on comprend bien.

Cette lutte contre Dieu, non pas le Dieu de la puissance, le Dieu terrifiant, mais précisément ce Dieu de discrétion, de lumière contenue, de tendresse infinie, [...] de faiblesse plus forte que la force des puissants, eh bien cette lutte continue, et continuera jusqu'à la fin du monde.

Et l'on peut dire, si on a les yeux de la foi, que c'est dans ce but que Dieu lui-même grandit, Lui qui est aujourd'hui petit enfant nouveau-né, comme disent les textes, c'est lui-même qui va grandir dans cette vie. Il grandit de tout ce que nous lui donnons, nous qui sommes plus grands que lui, en un sens. Il est venu précisément pour cela, pour se faire petit. Eh bien, tout ce que nous lui donnerons, il grandit de cela, il grandit de notre tristesse et de nos joies, il grandit de notre chair et de notre sang, comme les quatorze mille enfants tués en ce jour par Hérode, symbole de ce monde, il grandit de notre âme, de notre cœur, de notre volonté, de notre refus, de notre amour, de notre haine envers lui, de tout cela... (L'enregistrement s'arrête là.)

Contacts, Vol. 55, No 203, 2003.

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Published by Eglise Orthodoxe : Cathedrale Saint Irenee - dans Enseignement spirituel

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