
par Pascal G. DELAGE
Fille de Vardan le Rouge et de Destrik, Chouchanik appartenait par son père à la puissante famille arménienne de Mamikonians qui détenait le titre héréditaire de sparapet (« généralissime ») d’Arménie depuis le début du IVe siècle [1] mais sa grand-mère paternelle, Sahakanik, n’était autre que la fille du grand Sahak (355-448), le grand Katholikos d’Arménie.
En raison des menaces perses qui pesaient sur les familles arméniennes revendiquant et une certaine autonomie, et une libre pratique de leur foi chrétienne, Chouchanik fut élevée en Ibérie par Anushvram, une Arménienne de la famille des Artsuni qui avait épousé le vitaxe (comte) des Ibères Arshusha. Aussi l’enfant put-elle survivre au massacre de sa famille par les Perse, massacre qui suivit la bataille du Vardanank en 451.
Mariée à Vasken, pitiakhche (marquis) d’Ibérie, le fils d’Arshusha, son père nourricier, elle lui donna quatre enfants.
Fidèle à la foi de ses pères, elle introduisit la liturgie arménienne en Géorgie. Or en 466, entrant ouvertement en rébellion contre son propre suzerrain, Vakhtang I Gorgasali, roi du Kartli, Vasken se convertit au zoroastrisme pour faire allégeance au roi de Perse Péroz dont il épousa d’ailleurs une fille et il alla jusqu’à promettre à son beau-père la conversion des siens au mazdéisme.
Chouchanik refuse d’abjurer, quitte le palais de Tsourtav avec ses enfants et se réfugie dans une petite église proche. Furieux, le prince la fait rechercher et la retient prisonnière près de lui.
Obligée de participer à un banquet royal, Chouchanik refuse de s’alimenter et jette à la figure de sa belle-sœur la coupe de vin que cette dernière lui tend. Varsken la roue alors de coups et l’enfermant, il la laisse quasiment mourir de faim.
Son mari parti à la guerre, Chouchanik se retire dans sa petite église et là, se consacre au jeûne et à la prière.
Mais le lundi de la Semaine Sainte, Varsken revient, exige de l’évêque de Tsourtav qu’il lui livre sa femme. Chouchanik est à nouveau traînée au palais, fouettée et condamnée à la prison.
Ce sera le début d’une captivité éprouvante de sept ans racontée par son père spirituel, Yakob, qui la visitait dans son cachot :
Je vis l’agneau de Dieu orné de chaînes, gracieusement, comme une épouse. Le cœur me manqua, je pleurais beaucoup. Elle me dit : « Pleures-tu à propos de ce bien, prêtre ? » Je me mis à lui parler et à la réconforter, autant que Dieu me l’accorda et partis rapidement chez moi… Elle passa six ans en prison et elle était florissante en œuvres divines jeûnes, veilles, station debout, prières inlassables, larmes et lectures assidues des Ecritures. Elle illumina et embellit toute la prison par la harpe spirituelle. Et dès lors, son œuvre se répandit dans tout le Kartli. Des hommes et des femmes venaient offrir ce qu’ils avaient promis, et ce dont on avait besoin était accordé à la sainte prière de la bienheureuse Chouchanik ; Dieu ami des hommes le fui donnait : un enfant à ceux qui étaient sans enfant, la guérison aux malades, la vue aux aveugles…
Les miracles se multiplient, Chouchanik assure un réel ministère de direction spirituelle depuis son cachot.
La princesse s’éteint en prison le 17 octobre 473 en présence de l’évêque Apots, de son père spirituel Yacob et de la famille de son beau-frère qu’elle bénit. Le peuple lui-même organisa ses funérailles chrétiennes dans sa petite église.
L’époux apostat de Chouchanik fut mis à mort par le roi d’Ibérie Vakhtang en 482/484 pour s’être compromis avec les Perses.