Alors que les Grecs sont appelés à voter aux municipales le 7 novembre prochain, le premier ministre promet qu'il n'y aura pas de nouvelles mesures d'austérité «quoi qu'il arrive». Mais, discrètement, il tente de s'attaquer à un colosse: l'Église. Toute-puissante, elle est pointée du doigt par l'opinion publique qui critique sa «mauvaise volonté» car elle refuse de payer les taxes sur ses propriétés que lui réclame le gouvernement qui l'entretient à hauteur de 350 millions d'euros par an.

Georges Papandréou veut porter le taux d'imposition de l'Église, aujourd'hui négligeable, à 20% pour ses biens immobiliers exploités ou exploitables, à 10% sur les legs en espèces et à 5% sur les legs immobiliers et fonciers. Cette annonce soulève un tollé chez les évêques. Plus d'un tiers d'entre eux refusent de s'y plier et font pression sur l'État pour qu'il revienne sur sa décision.

Mais engluée dans des scandales politico-financiers ces dernières années, l'Église, qui n'est pas séparée de l'État, et dont les prêtres ont le statut de fonctionnaire et touchent, en moyenne, 2000 euros par mois, a perdu de sa popularité. La querelle n'est pas nouvelle. Depuis 1945, l'État peine à taxer les propriétés de l'Église. «Tous les gouvernements ont essayé en vain», explique le sociologue Nikos Dimou. «Les prêtres influencent le peuple car 90% des Grecs sont orthodoxes. Et les politiques y sont sensibles», assure-t-il . Et d'ajouter que ce rapport de force est lié à l'histoire du pays. «L'orthodoxie est une identité nationale ici. L'Église se vante d'avoir sauvé le pays des Turcs. La Constitution grecque a été rédigée en 1975 “au nom de la Trinité sainte consubstantielle et indivisible” et l'Église a un avis sur toutes les affaires d'État.»

Encore aujourd'hui, la rentrée des classes tout comme l'intronisation d'un gouvernement ne peuvent pas se faire sans la bénédiction d'un pope. La mention obligatoire de la religion sur les cartes d'identité a été supprimée en l'an 2000.

La polémique entre l'État et l'Église est d'autant plus vive que le plus grand flou règne sur l'étendue véritable de sa richesse. «Les biens de l'Église ont plusieurs fois été saisis par l'État», rappelle le père Timotheos Anthis, représentant du Saint Synode qui regroupe 77 évêchés dans le pays. Cette fortune, établie sous l'occupation ottomane, est moins prestigieuse qu'autrefois, mais elle reste importante. Le patrimoine foncier de l'Église s'élèverait à un peu plus de 700 millions d'euros avec 130.000 hectares de terres à bâtir, de forêts et de plages faisant d'elle le premier propriétaire foncier du pays.

«Il n'y a que 4% de notre patrimoine qui est ex ploi table», rétorque le père Timotheos Anthis. «Nous demander 600.000 euros de taxes, c'est parfaitement injustifié.» Et de rappeler que l'Église orthodoxe a dépensé 100 millions d'euros en 2009 pour ses œuvres caritatives et qu'elle est «bien meilleure gestionnaire que l'État». Mais «Dieu lui-même ne connaît le montant de sa fortune», ironise le vice-premier ministre, Théodore Pangalos.

• 2000 euros par mois de salaire pour les prêtres

• 350 millions d'euros par an de frais pour l'État

• 700 millions d'euros : patrimoine foncier de l'Église