Question 176 : Qui sont les ennemis que nous sommes tenus d'aimer ? et comment aimerons-nous nos ennemis ? en leur faisant du bien seulement ? ou en étant aussi intérieurement bien disposés à leur égard ? Cela encore est-il possible ?
Réponse : Le propre d'un ennemi est de nuire et de dresser des embûches, aussi appellera-t-on ennemi quiconque fait du mal à autrui, et spécialement le pécheur. Le pécheur, en effet, nuit tant qu'il peut et tend des pièges à celui avec qui il vit comme à celui qu'il rencontre. Or l'homme étant composé d'une âme et d'un corps, nous aimerons l'âme de ces malheureux si nous les reprenons, les avertissons et faisons tout pour les amener à se convertir; nous aimerons leur corps en subvenant à leurs besoins dans les nécessités de la vie. Que la charité, cependant, soit une disposition intérieure, c'est évident pour tous. La possibilité nous en est démontrée par le Seigneur, qui a manifesté l'amour du Père et le sien en se révélant obéissant jusqu'à mourir, non, dit l'Apôtre, pour ses amis, mais pour des ennemis. "Voici, écrit-il, comment Dieu nous a prouvé son amour : c'est alors que nous étions pécheurs que le Christ est mort pour nous" (Rom 5 :8-9). Il nous exhorte donc à faire de même : "Soyez les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés, et marchez selon la charité, à l'exemple du Christ qui nous a aimés et s'est offert pour nous, en oblation et en hostie" (Eph 5 :1-2).
Certes celui qui est juste et bon n'aurait pas exigé cela s'il n'en avait donné la possibilité. Il a même montré que c'est là une chose forcément naturelle : les animaux, en effet, aiment instinctivement leurs bienfaiteurs, or l'ami nous fait-il autant de bien que les ennemis ? Ceux-ci nous introduisent dans cette béatitude dont parle le Seigneur : "Bienheureux serez-vous lorsqu'ils vous poursuivront et vous haïront et diront mensongèrement contre vous toute espèce de mal à cause de moi. Réjouissez-vous alors et soyez dans la joie, car votre récompense sera grande dans le ciel" (Mt 5 :11-12).