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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 01:34

Saint Jean de Saint Denis


(1956)


C'est au VIIIe siècle que l'Eglise, après sa lutte contre les iconoclastes, choisit le premier dimanche de Carême pour célébrer sa victoire et qu'elle le nomma «Dimanche de l'Orthodoxie[1] ».

L'Eglise, en ce dimanche, reconnaît dans les icônes la valeur et la beauté divines, la sanctification de la civilisation et des cultures humaines. Auprès de la beauté céleste, spirituelle, intérieure, elle définit la beauté des choses humaines, des couleurs et des formes du travail déifié des hommes.

Mais pour nous orthodoxes français, le dimanche de l'Orthodoxie est aussi un anniversaire particulier.

En effet, en ce jour de l'année 1937, naissait au ciel Monseigneur Irénée Winnaert et je célébrais ma première messe ! Ma prêtrise commençait donc dans la pénitence du Carême et dans l'épreuve ; et les paroles de l'épître d’aujourd’hui (2 Co 6, 1-10) s'appliquaient et s'appliquent à l'Orthodoxie occidentale : patients dans les tribulations et les calamités, angoissés, nous consolons les autres ; frappés à mort, et voici que nous vivons ; affligés, et nous donnons la joie ; tel fut et tel demeure le privilège de l'Orthodoxie française durant ces vingt dernières années.

Ce dimanche est aussi celui de la tentation. L'évangile (Mt 4, 1-11) nous décrit minutieusement comment le diable tente Notre Seigneur. Il emploie la même méthode pour ceux qui veulent se purifier par le jeûne. L'homme qui ne cherche pas la perfection ne voit pas le diable, ni ses propres péchés. Le bon et le mauvais se mélangent, l'homme vulgaire ne discerne pas ce qui est de Satan et ce qui est de Dieu. Sitôt que la lutte spirituelle s’ébauche, le tentateur et le péché se précisent, se personnifient. La bataille apparaît lorsque notre être en Christ se distingue de l'agissement du Malin, le divorce et la séparation deviennent alors indispensables. Ainsi que chante cette strophe magnifique que vous venez d'entendre : «Le Pain céleste a faim, Satan s'agite et cherche à profiter de la faiblesse humaine...»[2] .

Après quarante jours de jeûne total, le Christ a faim. C'est la défaillance corporelle, librement consentie par Lui, inévitable pour nous. Il est normal qu'en entrant dans la vie spirituelle, nous connaissions une certaine faiblesse du sentiment, de la volonté et du corps. L'homme vivant tout entier dans ce monde est empli de vitalité charnelle, mais qu'il vienne à pénétrer dans une autre vie, il se pu-rifie, se libère, et ce soutien lui manque. La nouvelle vie ne lui étant pas suffisamment assimilée pour le fortifier, la passion disparaît, la grâce n'est pas encore manifestée et le diable accourt.

Le diable, ce désincarné jaloux de l'Incarné, conseil-le alors de satisfaire le corps ![3] Vous le savez, Satan s'est précipité dans la chute parce qu'il refusait l'incarnation de Dieu en un corps humain. Il ne voulait pas s'incliner devant l'homme et le servir. Il acceptait de servir Dieu et non l'homme. Voilà ce qui le sépara de Dieu. C'est la raison pour laquelle il éprouve une jalousie féroce envers notre corps. Il n'envie pas notre intelligence, il est plus intelligent que nous ; il ne jalouse pas notre pureté, il est plus pur que nous ; il jalouse l'incarnation où s'unissent étrangement l'esprit et la matière.

L'ange possède toutes les qualités, il est poète sublime, mais il ne peut écrire de poésie, sculpteur génial, mais il ne peut modeler : l'ange ne s'incarne pas !

Le diable hait l'incarnation sous toutes ses formes. C'est ainsi qu'au long des siècles, il s'agite, crée des illusions, invente des doctrines où l'incarnation est diminuée, brisée, où Dieu ne devient pas véritablement homme. Que Dieu se manifeste, soit ! Qu'Il s’incarne, non ! Le diable est spiritualiste, il projette de magnifiques constructions de la pensée, mais lorsque nous voulons les toucher, les palper, elles ne sont que fumées. Les éons nous impressionnent, les cosmogonies nous éblouissent, les maîtresspirituels nous dominent ; nous les touchons : c'est du vent !Le diable est jaloux de notre chair, lui, supérieur à la chair ;il n'éprouve ni fatigue, ni douleur, ni passion, ni souffrance, il est jaloux parce que c'est cette chair imparfaite, ce corps uni à l'esprit, qui permet à l'esprit humain de se réaliser, de créer.

Supportez le paradoxe : c'est la matière qui dynamise l'esprit, car l'homme, dit le psaume, est «de peu inférieur à Dieu» (Ps 8, 6) mais l'esprit sans corps est un chanteur sans voix.

Le diable, jaloux, conseille à l'homme de satisfaire son corps. Pourquoi lui qui n'est pas charnel nous conseille-t-il de l'être, lui qui n'est pas gourmand nous propose-t-il de nourrir notre gourmandise ? Parce qu'il veut obtenir que notre corps ne soit que chair, arraché à l'esprit, avili. Il aspire à voir cette œuvre sacrée, modelée par Dieu, humiliée et détruite. C'est pour cela qu'il nous suggère des ardeurs charnelles, sans y prendre part lui-même. Il est indifférent, orgueilleux, il nous hait, il nous méprise et propose au Christ de nourrir cette humanité de chair en changeant les pierres en pain.

Attention ! Nombre de personnes bien intentionnées font la charité de cette manière. Mais oui ! Ce diable est un philanthrope qui inspire sournoisement ces figures de socialistes, de réformateurs désireux avant tout de nourrir les masses en donnant du pain. Quel mépris pour l'homme dans cette pensée ! Quel mépris du diable pour l'homme, lorsqu'il dit au Christ : prends ces pierres, transforme-les, nourris les foules, elles ont besoin de pain, je connais mes sujets, moi, le prince de ce monde ; ensuite, elles accep-teront ton enseignement et de surcroît te seront reconnaissantes, elles ne sont pas semblables à nous qui sommes des esprits. Et le Christ répond : l'homme ne vit pas de pain seulement, mais de toute parole sortie de la bouche de Dieu. Notre Sauveur fait confiance à l'homme.

Chaque homme possède l'image et la ressemblance de Dieu ; celui qui regarde la foule avec mépris est du diable.

Je m'arrête sur la première tentation ; si Dieu le permet, je parlerai une autre fois des deux autres.

Ainsi, dans la lutte spirituelle que vous commencez d'entreprendre pendant cette sainte quarantaine, ne prenez pas garde si vos facultés psychologiques et spirituelles subissent une défaillance passagère, fermez les oreilles de votre cœur au tentateur. Il veut vous enseigner deux doctrines contradictoires qui visent le même but : la perte de votre âme. Il vous entraînera au mépris de votre corps en vous poussant dans un jeûne démesuré, ou bien à la fausse pitié de votre corps, afin que vous puissiez croire que vous êtes chair par nature, rien que chair.

Fuyez la philanthropie cynique et sceptique qui fait du bien en méprisant l'homme, ou bien faites-la chanter selon le Christ ; que votre aumône soit comme un culte rendu à Dieu qui habite dans le mendiant, car le vrai mendiant est le Christ qui frappe à la porte de votre cœur, en demandant votre hospitalité. Amen.

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Published by Monastère Orthodoxe de l'Annonciation - dans Homélies

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