28 octobre 2017
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La grandeur de l'espace aurait-elle façonné celle des âmes ?
Les Récits d'un pèlerin russe (1 ) nous porteraient à le croire. Cet ouvrage rédigé par un illustre anonyme durant la seconde moitié du dix-neuvième siècle met en scène le voyage à pied d'un pèlerin qui parcourut tout au long de sa vie les immensités de l'empire des tsars, dans le plus grand dénuement, et l'aventure spirituelle d'un marcheur qui s'élève en une relation exclusive avec son Dieu.
Le vaste corps offert de la grande Russie devient un lieu sanctifié où l'horizontalité infinie d'un pèlerin se déplaçant à pied, de Kiev à Irkoutsk, finit par projeter le lecteur dans une verticalité éblouissante, aux sources de l'amour et de la véritable humanité.
Durant mes périples à travers les régions russes et les nouveaux États issus de l'Union soviétique, ces Récits d'un pèlerin russe me revenaient souvent à l'esprit.
Comment peut-on parcourir à pied un tel territoire ?
Collé au hublot d'un vieil Antonov 24 qui me transportait, un jour de 1997, entre Irkoutsk et la Bouriatie, au-dessus d'un lac Baïkal complètement gelé, miroir bleuté géant serti dans son écrin de montagnes d'une blancheur immaculée, il m'était difficile d'oublier ce pèlerin anonyme arrivé jusque-là à pied, vivant de presque rien, faisant étape tantôt chez un capitaine des chiourmes tsaristes guéri de son alcoolisme par une lecture assidue des Évangiles, tantôt chez un pauvre garde forestier esseulé au cœur de l'immense forêt sibérienne.
Qu'il est Russe, ce pèlerin!
Loin de l'approche rationnelle de la théologie occidentale, son expérience spirituelle passe par ses pieds qui foulent la terre russe, par sa respiration qui rythme sa «prière du cœur», répétitive et inlassable.
Nous pénétrons avec lui dans ces multiples églises orthodoxes qui peuplaient la campagne avant la folie destructrice de Ia révolution bolchevik, et qui sont en train d'être reconstruites un peu partout. Nous vibrons aux parfums d'encens, aux génuflexions de repentir face à l'iconostase, au son des « Seigneur prends pitié» qui n'en finissent plus.
Là où I'européen d'Occident cherche à rejoindre le divin par un laborieux effort théologique, le pèlerin russe, lui, délaisse ces étapes et espère atteindre les cieux par la persévérance de son parcours sur cette vaste terre.
1 Récits d'un pèlerin russe, traduit par Jean Laloy, Éditions de la Baconnière, 1966.
Les cendres de l'empire
Alain Délétroz
Editions Nevicata
http://www.seraphim-marc-elie.fr/
Published by Monastère Orthodoxe
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dans
Enseignement spirituel