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22 juillet 2018 7 22 /07 /juillet /2018 23:09
La foi

St Augustin lit et commente St Jean

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En octobre 393, alors qu'Augustin est simple prêtre, qu'il n'a été baptisé que six ans plus tôt, il est appelé par les évêques d'Afrique à prendre la parole devant leur assemblée pour y traiter de la foi chrétienne d'après le Symbole baptismal. Ces exposés seront publiés remaniés dans De fide et symbolo, œuvre antérieure à nos Homélies

De tels textes d'instruction sur le Symbole sont très courants dans l'ancienne littérature chrétienne. Il est important de souligner dans le cas présent :

qu'ils appartiennent à la jeunesse d'Augustin - ce qui marque sa préoccupation précoce de préciser la doctrine de la foi.

Ils constituent un véritable traité : très denses.

Toutefois, certaines thématiques ultérieures, dont nous parlerons aujourd'hui, n'apparaissent pas, notamment tout ce qui concerne la grâce… Dans le prologue de l'ouvrage, Augustin, qui souligne l'importance de la foi, esquisse un thème qui lui est cher et que nous avons déjà rencontré : il repart en fait d'un passage tiré d'Isaïe :
"Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas" (Is 7, 9).

On se rappellera un texte d'Augustin (Homélies sur l'Evangile de Jean, Tract. XXIX, 6, p. 707) :

"La compréhension est la récompense de la foi. Ne cherche donc pas à comprendre pour croire, mais crois afin de comprendre, parce que si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas."

La foi est donc première : elle est première parce qu'elle est grâce.

La première grâce qui nous a été accordée est le don de la foi.

La grâce nouvelle, qui en est la conséquence et le couronnement, c'est la vie éternelle.

On citera :
"Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car cette révélation t'est venue, non de la chair et du sang mais de mon Père qui est dans les cieux" (Mt 16, 17),
après la réponse de Pierre :
"Tu es le Christ le Fils du Dieu vivant".

Augustin précise (Tract. III, 8, p. 225) :

"Quelle est la première grâce que nous avons reçue ? La foi."

Augustin signale d'ailleurs comment il a modifié ses idées sur ce point : il pensait d'abord que "la foi, par laquelle nous croyons en Dieu, n'est pas un don de Dieu, mais est en nous de par nous." (De la prédestination des Saints, 3, 7-4, 8). Il trouve la lumière décisive dans le verset de Paul : "Qu'as-tu que tu n'aies reçu ?" (1 Co 4, 7)

Augustin commence alors à "prêcher la grâce, par laquelle Dieu nous délivre des erreurs mauvaises et des mauvaises habitudes, sans aucun mérite antécédent de notre part, mais en agissant selon sa miséricorde gratuite" (De dono perseverantiae, 20, 52). Il soutiendra désormais que les mérites de l'homme sont nuls dans l'action de la grâce. C'est le célèbre texte sur la grâce (inspiré par "grâce pour grâce") dans Tract. III, 8 :

"Quelle est la première grâce que nous avons reçue ? La foi. En marchant dans la foi, nous marchons dans la grâce. Par quoi en effet l'avons-nous méritée ? En vertu de quels mérites antérieurs ? Que personne ne se flatte, que chacun revienne à sa conscience, qu'il scrute les replis de ses pensées, qu'il repasse la suite de ses actes ; qu'il ne fasse pas attention à ce qu'il est, s'il est déjà quelque chose, mais à ce qu'il a été pour être quelque chose : il trouvera qu'il n'était digne que de supplice. Si donc tu étais digne de supplice et s'il est venu, lui, non pour punir les péchés, mais pour pardonner les péchés, c'est une grâce qui t'a été faite, ce n'est pas un salaire qui t'a été versé. Pourquoi est-elle appelée grâce ? Parce qu'elle est donnée gratuitement. Ce n'est pas par des mérites antérieurs en effet qu tu as acheté ce que tu as reçu. Le pécheur a donc reçu cette première grâce, la rémission de ses péchés."

Sous-jacent, on trouve le problème de la liberté : liberté de croire (nous y reviendrons).

Il y a des hommes qui refusent la grâce : Augustin parle ainsi de l'incrédulité comme "péché des Juifs". Il va jusqu'à la déclarer le grand péché qui rend impossible la rémission de tous les autres :

"Que signifie donc : Si je n'étais pas venu et si je ne leur avais pas parlé, ils n'auraient pas de péché ? Est-ce que les Juifs étaient sans péché avant que le Christ soit venu à eux dans la chair ? Qui, même le plus fou, oserait le dire ? Mais c'est un grand péché, non un péché quelconque qu'il veut faire entendre sous le nom générique en quelque sorte. C'est en effet le péché par lequel tous les autres péchés sont retenus et, si quelqu'un ne l'a pas, tous les autres péchés lui sont remis. Il consiste en ce qu'ils n'ont pas cru dans le Christ qui est venu pour que l'on croie en lui. S'il n'était pas venu, ils n'auraient pas ce péché évidemment, car autant sa venue a été salutaire pour ceux qui croient, autant elle a été funeste pour ceux qui ne croient pas, comme si, étant le chef et le prince des Apôtres, il avait été ce qu'ils ont dit d'eux-mêmes, pour certains une odeur de vie qui conduit à la vie, mais pour certains une odeur de mort qui conduit à la mort.
Mais ce qu'il a ajouté en disant : Maintenant ils n'ont pas d'excuse pour leur péché peut pousser à demander si ceux à qui le Christ n'est pas venu et auxquels il n'a pas parlé auraient une excuse pour leur péché. S'ils n'en ont pas en effet, pourquoi est-il dit ici qu'eux n'en ont pas parce qu'il est venu et qu'il leur a parlé ? Mais s'ils ont une excuse, l'auraient-ils pour être soustraits aux châtiments ou pour recevoir un châtiment plus doux ? A ces questions je réponds, selon ce que je comprends par le don du Seigneur, qu'ils ont une excuse, non pas pour tous les péchés qu'ils ont commis, mais pour ce péché de ne pas avoir cru dans le Christ, eux à qui le Christ n'est pas venu et auxquels il n'a pas parlé." (Tract. LXXXIX, 1-2)

La foi correspond à un acte libre de l'homme.

Augustin cherche à maintes reprises à montrer qu'il n'y a pas de contradiction entre "don" et "liberté". Tout dans le salut de l'homme dépend du seul don de Dieu : "Qu'as-tu que tu n'aies reçu". Il ne s'agit pourtant pas pour Augustin de diminuer le rôle de la volonté : s'il est vrai que le Père attire les hommes au Christ, il est non moins vrai qu'il leur laisse le libre arbitre pour répondre à cette traction et l'accepter. Mais comment tire-t-il s'il laisse à chacun la liberté de choisir ? Augustin comment Jn 6, 44 (en particulier "Personne ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne le tire.") dans le Tract. 26 :

"Que disons-nous là frères ? Si nous sommes tirés vers le Christ, c'est donc malgré nous que nous croyons, c'est une contrainte par conséquent qui s'exerce, ce n'est pas la volonté qui se meut. Quelqu'un peut entrer à l'église sans le vouloir, il peut approcher de l'autel sans le vouloir, il peut recevoir le sacrement sans le vouloir, il ne peut croire que s'il le veut. Si l'on croyait avec son corps, cela arriverait chez ceux qui ne veulent pas, mais on ne croit pas avec son corps. Ecoute l'Apôtre : C'est de cœur que l'on croit pour obtenir la justice. Et que dit-il ensuite ? Mais on confesse de bouche pour obtenir le salut. C'est de la racine du cœur que monte cette confession. Tu entends parfois quelqu'un confesser la foi ; mais tu ne sais pas s'il est croyant, et même tu ne dois pas parler de confession de foi si tu juges que celui qui la prononce ne croit pas. Confesser la foi en effet, c'est dire ce que tu as dans ton cœur, mais si tu as une chose dans ton cœur et que tu en dises une autre, tu parles, tu ne fais pas une confession de foi. C'est donc par le cœur que l'on croit dans le Christ, ce que personne évidemment ne fait contre son gré, mais, d'autre part, celui qui est tiré semble bien être forcé contre sa volonté : comment alors résoudre cette difficulté : Personne ne vient à moi si le Père qui m'a envoyé ne le tire ?
S'il est tiré, objectera-t-on, il vient contre son gré ; s'il vient contre son gré, il ne croit pas ; s'il ne croit pas, il ne vient pas non plus, car ce n'est pas avec nos pieds que nous courons au Christ, mais en croyant, ce n'est pas par un mouvement de notre corps que nous nous approchons de lui, mais par la volonté de notre cœur." (Tract. XXVI, 2-3)

"[…] De là, si tu reviens à cette parole : Personne ne vient à moi si le Père ne le tire, ne va pas t'imaginer que tu es tiré malgré toi : l'âme est tirée aussi par l'amour. Et nous ne devons pas craindre de nous entendre reprocher ce mot des saintes Ecritures, qui se trouve dans l'Evangile, par ceux qui pèsent attentivement les mots, mais sont loin de comprendre les réalités, surtout les réalités divines, nous n'avons pas à craindre qu'on nous dise : Comment puis-je croire volontairement si je suis tiré ?
J'affirme : c'est peu que tu sois tiré par ta volonté, tu l'es encore par la volupté. Que veut dire : être tiré par la volupté ? Mets tes délices dans le Seigneur, et il t'accordera les demandes de ton cœur [Ps 36, 4]. Il existe une volupté du cœur pour celui qui goûte la douceur de ce pain du ciel. Or, si le poète [Virgile] a pu dire : Chacun est tiré par sa volupté, non par la nécessité, mais par la volupté, non par obligation, mais par délectation, combien plus fortement devons-nous dire, nous, qu'est tiré vers le Christ l'homme qui trouve ses délices dans la Vérité, qui trouve ses délices dans la Béatitude, qui trouve ses délices dans la Justice, qui trouve ses délices dans la Vie éternelle, car tout cela, c'est le Christ ! Ou bien dira-t-on que les sens corporels ont leurs voluptés et que l'âme est privée de ses voluptés ? Si l'âme n'a pas ses voluptés, comment est-il dit : Les fils des hommes espéreront sous le couvert de tes ailes, ils seront enivrés de l'abondance de la maison, tu les abreuveras au torrent de tes voluptés, parce qu'auprès de toi est la source de la vie et que dans ta lumière nous verrons la lumière ? [Ps 35, 8-10].
Donne-moi quelqu'un qui aime et il sentira la vérité de ce que je dis. Donne-moi un homme tourmenté par le désir, donne-moi un homme passionné, donne-moi un homme en marche dans ce désert et qui a soif, qui soupire après la source de l'éternelle patrie, donne-moi un tel homme, il saura ce que je veux dire. Mais si je parle à un indifférent, qu'est-ce que je dis ? Tels étaient ceux qui murmuraient entre eux. Celui, dit-il, que le Père a tiré vient à moi." (XXVI, 4).

C'est la révélation du Père qui est attraction :

"Celui que le Père a tiré proclame : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant [Mt 16, 16]. Ce n'est pas comme un prophète, ni comme Jean, ni comme quelque grand juste, mais comme l'Unique, comme l'Egal que tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Constate maintenant qu'il a été tiré et qu'il a été tiré par le Père : tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. " (Tract. 26, 5).

Conclusion : il faut désirer maintenant pour être rassasié plus tard : "Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice parce qu'ils seront rassasiés" (Mt 5, 6).

"Personne ne vient à moi si le Père qui m'a envoyé ne le tire. Et moi je le ressusciterai au dernier jour" (Jn 6, 44)

Toujours à propos de cette phrase, Augustin commente :

"Je lui accorderai ce qu'il aime, je lui accorderai ce qu'il espère : il verra ce qu'il a cru jusqu'alors sans le voir, il mangera ce que sa faim désire, il sera désaltéré de ce dont il a soif. Quand ? A la résurrection des morts, parce que je le ressusciterai au dernier jour." (Tract. 26, 6)

Augustin passe de la foi à l'amour : nous croyons parce que nous sommes attirés par l'amour.

Vers 420 (donc un peu plus tard que dans l'Homélie 26), Augustin paraphrase le verset de Jn 6, 44 :

"Le Seigneur n'a pas dit : si le Père ne le conduit, mot qui pourrait nous faire comprendre de quelque manière que la volonté précède ; qui est tiré s'il le voulait déjà ? Et pourtant personne ne vient s'il ne le veut. Il est donc tiré selon des voies merveilleuses pour être amené à vouloir par celui qui sait agir intérieurement dans le cœur des hommes, non point pour qu'ils croient sans le vouloir, ce qui est rigoureusement impossible, mais pour qu'ils veuillent alors qu'ils ne voulaient pas." (Contra duas epist. Pelag., 2, 29, 37).

La grâce donne la volonté de croire et donc ne force pas à croire : l'action du Père s'exerce directement sur la volonté et conduit l'homme jusqu'à la foi.

Celui qui croit a la vie éternelle.

Jn 6, 47 : "En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi possède la Vie éternelle."

Augustin commente :

"Il a voulu révéler ce qu'il était, car il aurait pu dire plus brièvement : Celui qui croit en moi me possède. Le Christ est en effet lui même le Dieu véritable et la Vie éternelle [I Jn 5, 20]. Donc, dit-il, celui qui croit en moi vient en moi, et celui qui vient en moi me possède. Or que veut dire : me posséder ? Posséder la Vie éternelle. La Vie éternelle a assumé la mort, la Vie éternelle a voulu mourir, mais à partir de ce qui est à toi, non de ce qui est à elle : elle a reçu de toi ce en quoi elle mourrait pour toi. Des hommes en effet il a assumé la chair, mais non à la manière des hommes, car, ayant un Père dans le ciel, il s'est choisi une mère sur la terre, et il est né là-bas sans mère, il est né ici sans père. La Vie a donc assumé la mort afin de tuer la mort, car, dit-il, celui qui croit en moi possède la Vie éternelle, non pas selon ce qui apparaît, mais de manière cachée. La Vie éternelle était en effet le Verbe au commencement auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu, et la Vie était la Lumière des hommes. Lui qui était la Vie éternelle a donné aussi la vie éternelle à la chair qu'il a assumée : il est venu mourir, mais il est ressuscité le troisième jour ; prise entre le Verbe qui assume la chair et la chair qui ressuscite, la mort a été engloutie." (Tract. 26, 10)

Le Christ est le pain de vie que nous mangeons, mais veillons à ne pas manger notre "propre condamnation" (I Co 11, 29) :

"Prenez donc garde, frères, mangez spirituellement le pain du ciel, apportez à l'autel votre innocence. Même si vos péchés sont quotidiens, que du moins ils ne soient pas mortels. Avant d'approcher de l'autel, faites attention à ce que vous dites : Remets-nous nos dettes, comme nous remettons nous aussi à nos débiteurs. Tu remets, il te sera remis ; avance en toute sécurité, c'est du pain, non du poison. Mais examine bien si tu remets, car, si tu ne remets pas, tu mens et tu mens à celui que tu ne trompes pas. Tu peux mentir à Dieu, tu ne peux pas tromper Dieu. Il sait ce qu'il a à faire. Il te voit au dedans, il t'examine au dedans, il regarde au dedans, il juge au dedans, et c'est au dedans qu'il condamne ou qu'il couronne." (Tract. 26, 11).

Il faut se tenir dans le Corps du Christ pour vivre de l'Esprit du Christ :

"C'est mon esprit évidemment qui fait vivre mon corps. Veux-tu par conséquent vivre, toi aussi, de l'Esprit du Christ ? sois dans le Corps du Christ. Est-ce que mon corps en effet vit de ton esprit, à toi ? Mon corps vit de mon esprit, et ton corps vit de ton esprit. Le Corps du Christ ne peut vivre que de l'Esprit du Christ." (Tract. 26, 13)

La foi aimante est appelée à la vision. On retrouve cette idée essentielle chez Augustin de la foi qui précède l'intelligence :

"Croyez pour mériter de comprendre. La foi doit précéder l'intelligence pour que l'intelligence soit la récompense de la foi." (Sermon 139, 1, 1).

Jean ne veut pas que nous soyons toujours nourris de lait : il veut que nous prenions de la nourriture solide :

"Cependant que celui qui n'est pas encore assez fort pour la nourriture solide de la parole de Dieu se nourrisse du lait de la foi et qu'il n'hésite pas à croire la parole qu'il ne peut pas comprendre, car la foi est ce qui mérite, l'intelligence est la récompense." (Tract. XLVIII, 1).

Mais la foi est essentiellement une vie : "Je suis venu pour qu'ils aient la vie", c'est-à-dire "la foi qui opère par la charité" (Gal 5, 6). Dans le Tract. 49, 15, Augustin dit :

"Si tu ne crois pas, même si tu es en vie, tu es mort. D'où vient la mort dans l'âme ? De ce que la foi ne s'y trouve pas. D'où vient la mort dans le corps ? De ce que l'âme ne s'y trouve pas. La foi est donc l'âme de ton âme."

 

 

La vie de ce temps, même la vie dans la foi, n'est qu'à l'état de racine et c'est la promesse du Seigneur qui fait espérer un arbre magnifique (comparaison du Tract. XL, 8) : à rapprocher de St Jn : " Très chers, déjà nous sommes fils de Dieu, et ce que nous serons n'est pas encore apparu, mais nous savons que, lorsqu'il apparaîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est" (1 Jn 3, 2). Augustin insiste sur la continuité qui existe entre la vie de maintenant et la vie plus abondante : la vie éternelle donnée à ceux qui croient. Mais il y a trois exigences pour le chrétien fidèle :

  1. désir de la vision
  2. purification du cœur
  3. recherche de l'intelligence.

a) Le désir de la vision. La note 19 du vol. 73b, p. 455 résume le point de vue d'Augustin :

"Inscrit au cœur de l'homme par sa création et répondant à l'appel de Dieu, rectifié par la foi, animé par l'espérance et la charité, ce désir a son efficacité propre : il creuse et élargit dans l'âme sa capacité de recevoir, comme la racine s'enfonce d'autant plus avant dans le sol que l'arbre est plus élevé, comme les fondations sont d'autant plus profondes qu'est plus grandiose l'édifice qu'elles auront à supporter." (M.F. Berrouard)

b) La purification du cœur : il s'agit de purifier l'œil de notre cœur par la foi aimante pour que cet œil devienne capable de voir celui qui se montrera à nous dans tout le rayonnement de son amour. Augustin dit même dans le Tract 34, 9 que la foi est un "collyre" qui "soigne l'œil de notre cœur".

c) La recherche de l'intelligence : la foi demande un labeur pour dépasser les brouillards des réalités terrestres pour s'élever jusqu'à la clarté de la parole de Dieu qui appelle à la contemplation du Verbe. Cette intelligence à laquelle il faut tendre ne supprime pas la foi : elle serait impossible sans elle, mais elle marque un progrès dans la foi…

Si la foi est promise à la vision, Augustin souligne aussi en ce monde la béatitude de ceux qui croient sans voir (cf. le reproche de Jésus à Thomas). De fait, on ne croit pas ce que l'on voit : on voit une chose et on en croit une autre, nous dit Augustin à propos de Jn 14, 29 :

"Il a ajouté ensuite : Je vous l'ai dit maintenant avant que cela n'arrive pour que vous croyiez quand cela sera arrivé. Qu'est-ce que cela veut dire alors que l'homme doit bien plutôt croire ce qui est à croire avant sa réalisation ? La foi est louée en effet si ce qui est cru n'est pas vu. Car, qu'y a-t-il d'extraordinaire à croire ce que l'on voit puisque le même Seigneur prononce cette sentence quand il reprend son disciple. Parce que tu as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui ne voient pas et qui croient ! Et je ne sais pas d'ailleurs si l'on peut dire que quelqu'un croit ce qu'il voit, car dans l'Epître qui est écrite aux Hébreux, la foi est ainsi définie :La foi est une garantie pour ceux qui espèrent, la certitude des réalités qui ne sont pas vues. C'est pourquoi, si la foi porte sur les réalités qui sont crues et si cette même foi porte en conséquence sur les réalités qui ne sont pas vues, que signifie ce que dit le Seigneur : e vous l'ai dit maintenant avant que cela n'arrive pour que vous croyiez quand cela sera arrivé ? N'aurait-il pas fallu dire plutôt : Je vous l'ai dit maintenant avant que cela n'arrive pour que vous croyiez ce que vous verrez quand cela sera arrivé ? Car celui auquel il a été dit : Parce que tu as vu, tu as cru n'a pas cru ce qu'il a vu, mais il a vu une chose et il en a cru une autre : il a vu un homme et il a cru qu'il était Dieu ; il voyait en effet et même il touchait une chair vivante qu'il avait vue mourante et il croyait dans le Dieu qui se cachait en cette chair. Il croyait donc dans son esprit ce qu'il ne voyait pas dans ce qui apparaissait à ses sens corporels. Cependant, même si l'on dit qu'on croit ce que l'on voit, comme chacun dit qu'il en a cru ses yeux, ce n'est point là la foi qui est édifiée en nous, mais à partir de ce qui est vu il se fait en nous que ce qui n'est pas vu est cru." (Tract. 79, 1, pp. 387-389).

La foi et les œuvres chez Augustin

Augustin n'hésite pas à affirmer que sans la foi au Christ les œuvres de fait ne sont pas bonnes :

"Certes la foi est distincte des œuvres, selon le témoignage de l'Apôtre qui affirme que l'homme est justifié par la foi sans les œuvres de la Loi, et qu'il y a des œuvres qui paraissent bonnes en dehors de la foi au Christ, mais elles ne sont pas bonnes parce qu'elles ne sont pas référées à cette fin qui rend les œuvres bonnes…" : le Christ (Tract. XXV, 12).

Il y a là de la part d'Augustin la volonté de préciser que l'homme ne peut rejoindre Dieu que par le Christ et qu'il n'y a et ne peut y avoir de salut en dehors du Christ :

"Tes œuvres passées, avant que tu aies la foi, ou bien n'existaient pas, ou bien, si elles paraissaient bonnes, étaient vaines. En effet, si elles n'existaient pas, tu étais comme un homme sans pieds ou comme un homme aux pieds paralysés incapable de marcher, et, si elles paraissaient bonnes avant que tu aies la foi, tu courais, certes, mais, en courant hors du chemin, tu t'égarais plutôt que tu n'approchais du but. Il nous faut donc courir et courir sur le chemin. Celui qui court hors du chemin court en vain, ou plutôt il court au devant de la peine : il s'égare d'autant plus qu'il court hors du chemin. Quel est le chemin sur lequel nous courons ? Le Christ a dit : Je suis le Chemin (Jn, 14, 6)." (Commentaire sur la Première Epître de Jean, 10, 1).

De fait Augustin ajoute même (Tract 25, 12) que "la foi est une œuvre" :

"[L'apôtre] n'a pas voulu distinguer ici la foi et l'œuvre, mais il a appelé la foi elle-même une œuvre car il s'agit de la foi qui opère par la charité".

  1. foi est une œuvre
  1. une œuvre divine.

Certes, on pourrait penser que la foi est un préalable aux œuvres puisque sans elle les œuvres ne sauraient être bonnes, mais le Christ lui-même dépasse cette distinction et désigne la foi comme une œuvre. Augustin évite soigneusement cette distinction entre la foi et les œuvres pour que l'on ne croit pas possible d'être sauvé avec des œuvres bonnes, sans la foi, sans le Christ, le Chemin pour parvenir à la vie éternelle. Et dans le De fide et operibus, 13, 20, il décrit l'exigence de la foi et des œuvres comme étant celle des deux commandements :

"Ces deux commandements apparaissent tellement liés l'un à l'autre qu'il ne peut exister dans l'homme d'amour de Dieu s'il n'aime pas son prochain, ni d'amour du prochain s'il n'aime pas Dieu."

Il continue : si l'Ecriture ne mentionne parfois qu'un seul des deux commandements, elle n'en laisse pas moins entendre que l'un ne va pas sans l'autre, "car celui qui croit en Dieu doit faire ce que Dieu a commandé, et celui qui fait parce que Dieu a commandé croit nécessairement en Dieu." (ibid.).

Ainsi on peut dire que "les commandements de Dieu concernent la foi seule, si l'on comprend, non pas la foi morte (c'est-à-dire celle qui est sans les œuvres) mais cette foi vivante qui opère par la charité." (Ibid, 22, 40).

La boucle est bouclée : on revient au point de départ essentiel pour Augustin, qu'on a appelé le "Père de la grâce", car "tout est grâce".

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