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8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 08:14

Le synode spécial de l'Eglise catholique pour le Moyen Orient

Une lecture orthodoxe préliminaire sur la méthode et le contenu

Par Carol Saba

Article publié dans le quotidien libanais An Nahar, page spéciale relative au

synode du Vatican sur les chrétiens d'Orient

 

Le 15 septembre 2010

"Ce qui m'importe davantage que la tenue du saint et grand concile pan orthodoxe, est que

les orthodoxes apprennent à travailler ensemble pour préparer sa tenue". C'est ainsi que le

célèbre patriarche oecuménique de Constantinople, Athénagoras, répondait à ses visiteurs

qui l'interrogeaient sur la date de réunion du concile qu'il avait convoqué aux débuts des

années soixante du siècle dernier pour faire face aux défis du témoignage actuel de l'Eglise

orthodoxe et sa projection dans le monde. La parole de cet illustre patriarche, une des plus

grandes figures ecclésiales parmi les patriarches orthodoxes du XXème siècle, comporte

une grande part de "sagesse" ecclésiale puisqu'il fait du processus de "préparation" du

concile, un processus de communion et de partage, de participation dans l'étude et la

contemplation, dans lequel les charismes et les pensées interagissent et écoutent "ce que

veut dire l'Esprit aux Eglises". Athénagoras avait raison, même si certains orthodoxes

disent aujourd'hui, en guise de boutade, qu'il convient que la tenue du concile se fasse

avant la deuxième venue du Christ !

L'article d'aujourd'hui sur le synode du Vatican, m'inspire une double "lecture", sur le

contenu et la méthode développés autour du synode et sa préparation. Concernant, en

premier lieu la méthode, l'approche d'Athénagoras relative à l'importance de la

"préparation" semble à mon avis s'appliquer au synode du Vatican, même si,

contrairement au concile orthodoxe, la date et le lieu de la tenue du synode sont connus,

en octobre prochain au siège papal de l'évêque de Rome. La préparation du synode s'est

déroulée en effet sur plusieurs étapes successives, caractérisées par une certaine synergie

d'action et de réflexion entre la base de la "pyramide catholique" et sa tête. Les Eglises

catholiques du Moyen Orient ont réclamé en effet, initialement, la tenue d'un tel synode

et le pape a répondu par l'affirmative, à croire la lettre synodale qu'il a adressé aux primats

de ces Eglises. Ces dernières ont été aussi, jusqu'à une certaine mesure, partie prenante

dans la formulation des questionnements, des interrogations et des soucis des chrétiens

d'Orient, et ce à travers les "Liamenta", la série de questions préparatoires posées par le

secrétariat du synode en janvier dernier, et qui ont été discutées par les Eglises catholiques

d'Orient, les patriarcats, les diocèses, les paroisses, les monastères, les institutions et

associations d'Eglise. Il a été de même, du côté de la tête de la pyramide catholique,

l'évêque de Rome, en passant aussi par les instances du Vatican travaillant sur l'Orient et

certaines autres Eglises catholiques, comme l'Eglise de France, concernées directement et

de part l'histoire par la cause des chrétiens d'Orient. Toutes ces instances ont joué un rôle

dans l'agencement méthodologique du papier de travail qui sera soumis au synode, le

fameux "instrumentum laboris", qui va conduire le travail du synode. Le pape l'avait rendu

public en juin dernier, à l'une des portes de l'Orient, lors de sa visite apostolique à l'île

orthodoxe de Chypre. Il convient de signaler de même que dans le cadre de l'analyse des

problématiques et des défis, la lettre apostolique du pape Jean Paul II, la "lumière de

l'Orient", datée du 2 mai 1995 et, dernièrement, la "lettre des évêques catholiques de

France aux chrétiens d'Orient" en date du 26 mars 2010, ont été intégrées dans la réflexion

préparatoire.

La méthodologie de préparation du synode attire certes l'attention. Elle constitue un des

aspects positifs qui aident à créer une "dynamique" de travail en commun, en espérant que

le synode du Vatican ne sera pas uniquement, au moment sa tenue, une simple rencontre

à dimension "institutionnelle" pour approuver des "papiers" préparés d'avance, mais sera

un lieu "conciliaire" où se déploient discussion, contemplation et une certaine interaction

avec l'Esprit Saint qui peut souffler là où Il veut, pour éclairer et orienter les coeurs et les

esprits et les hisser vers un témoignage agissant et de vérité. C'est là où réside l'espérance

et l'attente orthodoxe d'un tel synode, puisque l'Eglise orthodoxe est une Eglise conciliaire

fondée sur la conciliarité et l'écoute du Saint Esprit. L'espérance que le déroulement du

synode permettra l'émergence "d'espaces" pour un témoignage "inspiré". Je sais qu'un de

nos grands antiochiens, le métropolite Georges Khodr (métropolite du Mont Liban), y sera

et participera au synode comme représentant du Patriarcat grec-orthodoxe d'Antioche,

invité en tant qu'observateur. Mgr Georges aura sans nul doute des interventions et des

contributions conséquentes avec son témoignage orthodoxe oriental arabe et sa longue

expérience pastorale ainsi que celle qu'il développa dans le dialogue et le vécu islamochrétien.

Sur la méthode aussi. L'importance de l'évènement réside dans la tenue d'un tel synode

pendant cette période "carrefour" du monde d'aujourd'hui et du vécu des chrétiens

d'Orient. Un tel synode pourrait en effet constituer un forum "ouvert" qui peut "parler" au

monde d'aujourd'hui, ses capitales, ses gouvernants et ses médias. Un forum capable de

poser un cadre véritable et objectif pour la question de la pérennité, de la croissance et de

la consolidation des chrétiens d'Orient afin qu'ils se déploient dans leur environnement

d'une manière interactive, avec confiance et ouverture, et qu'ils soient des "leader" et des

pionniers dans la fabrication du quotidien et de l'avenir des sociétés orientales et arabes

dont ils sont une des composantes historiques essentielles et d'origine. L'évènement en soi

intéresse les capitales des grandes puissances de l'Occident, ses diplomates et ses médias,

qu'ils soient laïcs ou engagés, qui suivent de près sa préparation à travers à la fois un

prisme religieux mais aussi géopolitique. Ceci n'est point étonnant puisque dans le monde

d'aujourd'hui, plus que jamais, le fait religieux accuse une place importante dans la

dynamique stratégique de notre époque. Le pôle "religion", par exemple, établi depuis

quelques temps sein du ministère français des affaires étrangères, dirigé par un ami,

l'universitaire franco-libanais Joseph Maila, figure parmi les départements centraux du

Quai d'Orsay. Ainsi, l'évènement synodal pourrait constituer une "plateforme" pour lancer

des messages courageux et pour faire parvenir au monde, des réflexions et des

propositions constructives et audacieuses sur les questionnements des chrétiens d'Orient.

Cela pourrait être une occasion pour renverser la perception que le monde a de ces

chrétiens orientaux et faire davantage montrer le chrétien d'Orient comme un élément

pionnier, bien enraciné dans sa société et cherchant à la faire évoluer vers le meilleur, en

coopération avec les autres composantes de cette société et non pas comme un élément

qui cherche à "capturer" le pouvoir et les sphères d'influence, ni comme un élément qui

est à la "traine" d'un autre pouvoir local ou étranger quelque soit son importance, ou bien

qui attend les visas d'émigration "sans retour" aux portes des ambassades.

"Vers l'Orient compliqué je m'envole avec des idées simples." Cette parole du général de

Gaulle remonte au début des années 40 du siècle passé quand il s'envolait vers Beyrouth

en pleine deuxième guerre mondiale. Il tentait par son biais à approcher

psychologiquement l'Orient compliqué avec des idées simples. Il avait raison le général

puisque le proverbe français nous enseigne que le "bonheur est dans les choses simples".

De même, pour nous autres chrétiens d'Orient, nous devons approcher les questions de

notre vécu ecclésial et de notre témoignage pour le Seigneur ressuscité des morts, dans

cette région et dans le monde avec simplicité, profondeur et audace. Davantage que dans

une approche étendue et compliquée. C'est avec une telle approche que le document de

travail qui est proposé au synode, semble aborder la question des chrétiens d'Orient, avec

une approche simple et audacieuse. Beaucoup de sujets sont en effet à l'ordre du jour de ce

document qui mérite analyse, sur lesquels nous reviendrons ultérieurement plus en détail

dans des articles à venir. Ils approchent la situation chrétienne en Orient, posent certaines

interrogations fondamentales, du point de vue de l'Eglise catholique, et effleurent

certaines solutions et propositions. Une des pistes de solutions proposées et celle de la

"laïcité positive", qui est évoquée dans le document de travail sans pour autant que les

développements présentent une lecture détaillée de ce concept. Il s'agit là d'un concept

qui à mon sens est un élément positif sur lequel il est possible de construire au Liban un

socle pour la rencontre des religions et pour leur action en paix au sein d'une société civile

qui les protège. Le pape Benoit XVI avait repris ce concept à son compte, non sans

quelques hésitations au préalable, et la mis en relief au Palais de l'Elysée devant le

président Sarkozy lors de sa visite officielle en 2007 en France, concept encouragé par le

président français lui-même dans le cadre de l'expérience évolutive de la laïcité en France.

Je reviendrai sur ce concept de laïcité positive, cadre et exigences, dans des contributions

ultérieures, à la lumière de notre expérience en tant qu'orthodoxes en France à travers

notre coopération, aux côtés des représentants des autres cultes chrétiens et des autres

religions dont l'islam et le judaïsme, avec l'Etat français et ses institutions.

Beaucoup d'autres sujets et approches thématiques sont contenus dans le document de

travail du synode sur lesquels nous pourrons apporter aussi une certaine lecture "critique"

d'une point de vue visant l'édification. Il reste que le coeur du sujet qui constitue à mon

sens le pivot de ce document tourne autour de la manière dont la "projection chrétienne",

parole et action, doit s'organiser au sein de cet environnement oriental. Notre objectif à ce

niveau doit demeurer, avec beaucoup de discernement, non seulement la "présence"

chrétienne et la façon de la protéger et la préserver mais bien plus que cela ! L'Evangile et

la parole du Seigneur me semblent explicites à cet égard. "Celui qui veut sauver sa vie la

perdra mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'Evangile la sauvera" (Luc 9, 24). Ce qui

est visé donc et ce qui est demandé est la présence "agissante", la présence "pionnière" et

"leader", et une façon d'extérioriser la parole et l'action chrétienne d'une manière

conséquente avec notre théologie et l'Evangile et ce, pour la transfiguration du monde. Le

métropolite Georges (Khodr) confirme ce rôle pionnier et agissant des chrétiens "dans" le

monde et pour sa transfiguration, en affirmant dans son livre L'appel de l'Esprit que :

"depuis que l'histoire a désormais à travers le Christ une dimension cosmique, la

transfiguration du monde passe par une action historique, même si l'histoire n'a pas le

dernier mot". Ce qui est demandé donc c'est un témoignage chrétien qui ne cherche pas

seulement pour les chrétiens l'horizon de la présence et la préservation de celle-ci mais un

témoignage qui pousse les chrétiens à oeuvrer pour la transfiguration du monde qui les

entoure, ici et maintenant. Ce témoignage ne peut être qu'un témoignage de "sainteté" car

le "monde se transforme par la sainteté", selon les paroles de l'ange orthodoxe du diocèse

du Mont Liban (Mgr Khodr), dans son livre L'appel de l'Esprit. C'est ainsi que le "projet de

sainteté" semble être pour moi le sujet pivot et central dans toute approche, que ce soit au

synode du Vatican ou ailleurs, du témoignage des chrétiens d'Orient et de leur rôle. D'un

tel témoignage découle le "chemin de fer", la "feuille de route" et le "point de passage" des

chrétiens d'Orient. C'est alors qu'apparaît pour nous avec netteté et clarté, ici et

maintenant, le passage vers le Christ, à Lui seul toute la gloire.

Carol Saba

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