C'est à un tel moment qu'un tournant dans la vie religieuse peut se produire. Le chemin de vie antérieur a conduit à une impasse. La condition intérieure lui semble abominable, mais le jeune homme ou la jeune fille ne peut peut-être pas encore la classer comme étant un péché. Il y a un désir de trouver un sens vrai et noble de la vie, car vivre sans y trouver un sens conduit à mener une existence pitoyable, fade, sans but et absurde.
A ce moment fatidique où la vie des jeunes atteint un point décisif, tout à coup, par un moyen inconnu et mystérieux, une certaine lumière apparaît dans l'âme, un certain sentiment frais et joyeux, un certain espoir que la vie n'est pas dénuée de sens.
D'où vient cette certitude que la vie n'est pas dénuée de sens vient-il? Qu'est-ce que la vie? Jusqu'alors, le jeune esprit a été enclin à avoir une vision mécanique du monde (la vie est un agrégat d'atomes et de forces, et de leur mouvement et de leur interaction constante; la vie est une collection de manifestations de causalité, dont la somme compose le portrait complet de l'existence cosmique terrestre et humaine). Et soudain, dans cet immense mécanisme, sans limites et sans âme, l'âme des jeunes commence à percevoir la présence de quelque chose de vivant, de grand, de sage et de beau, la présence de Dieu.
D'où vient ce sentiment ?
Plusieurs circonstances peuvent y contribuer: l'essentiel est que la foi de l'adolescent dans sa propre infaillibilité, a été brisée, il a profondément ressenti sa faillite intérieure. Il ne sent plus de soutien en lui-même. Un besoin est né pour un autre soutien, plus puissant.
L'âme se tient à un certain carrefour. Elle se trouve dans un état d'instabilité. Les influences et les attraction de jadis ont perdu leur pouvoir sur elle. De nouvelles forces ne se sont pas encore déterminées en son sein. A ce moment, chaque secousse, quelle que soit son insignifiance, peut avoir une influence extraordinaire et décisive sur la vie entière.
Les douces expériences religieuses de son enfance, qui sortent de l'inconscient de l'âme, le tintement des cloches de l'église entendues de façon inattendue, un livre religieux tombant dans les mains, une rencontre et une conversation avec un croyant sérieux, une visite dans un monastère, la beauté silencieuse et mystérieuse de la nature et de nombreux autres facteurs peuvent contribuer à une sortie réussie de cette maladie de l'âme. La foi depuis longtemps oublié de l'enfance se réveille, et brûle doucement dans l'âme comme un phare lumineux, brillant. La vie va soudainement avoir du sens, il y aura un désir de vivre et de travailler au nom du nouvel idéal qui brûle dans l'âme. L'ancien point de vue matérialiste du monde s'est révélé être en déconfiture. Le nouveau point de vue religieux du monde, réchauffera l'âme et donnera un sens à la vie.
Me souvenant de ma propre jeunesse, j'y trouve une confirmation que c'est précisément sur ce chemin, le chemin d'un drame intérieur de plusieurs années, que nous sommes revenus à notre point de vue perdu du monde religieux et de l'idéal. Le sentiment religieux qui s'éveille dans l'âme, éclaire immédiatement le monde et la vie d'une manière totalement différente. La jeune âme commence à percevoir la beauté et la majesté de l'univers, elle atteint une croyance dans le sens et le but nobles de la vie, le coeur s'ouvre à une acceptation de l'Évangile. On sent le désir d'aller à l'église, d'assister aux offices, de se confesser et de participer à la Communion, même si certaines idées hérétiques demeurent souvent. Et lorsque ces nouveaux besoins et ces pensées commencent à se manifester dans la jeune âme à la place du chaos dans lequel elle était passée, alors on peut dire hardiment que cette âme a été sauvée. Là commence une nouvelle période de la vie spirituelle, lorsque, s'étant fixé solidement sur le roc de la foi acquise par l'amère expérience plutôt que par la raison, une personne commence consciemment à construire sa vie sur une telle fondation.
Version française Claude Lopez-Ginisty