La prochaine réunion de la commission internationale mixte de dialogue qui doit se tenir à Chypre pour, dans la suite de la réunion de Ravenne, discuter de la question de la primauté du pape de Rome, suscite des craintes et d’importants remous dans les Églises orthodoxes, en particulier au sein de l’Église de Grèce.
Une «Confession de foi contre l’œcuménisme» est depuis le mois d’avril proposée à la signature des fidèles orthodoxes, notamment sur plusieurs sites Internet Elle a recueilli à ce jour 8600 signatures, dont celles de six métropolites et évêques grecs, serbe et bulgare, de cinq higoumènes du Mont-Athos, de trente-six higoumènes d’importants monastères de Grèce, de Chypre, de Serbie et des États-Unis, de professeurs de facultés de théologie (dont l’ex-doyen de la faculté de théologie d’Athènes et le professeur de patristique de la faculté de théologie de Thessalonique), de cinq cent trente clercs, moines et moniales de Grèce, du Mont-Athos, de Serbie, de Roumanie, de Palestine et de divers autres pays, et de plusieurs milliers de laïcs de différentes origines. Fait nouveau, ce document n’émane pas de groupes extrémistes non canoniques (habituellement qualifiés de «zélotes», au premier rang desquels se trouvent les «vieux-calendaristes»), mais est promu et approuvé par des personnalités connues et des fidèles rattachés canoniquement à l’Église orthodoxe.
La Sainte-Communauté du Mont-Athos, plusieurs métropolites, et un professeur de dogmatique de l’Université Aristote de Thessalonique ont par ailleurs publié des déclarations indépendantes constituant des mises en garde par rapport à la prochaine réunion de la commission de dialogue à Chypre.
Ce mouvement a pris naissance à la suite de la réunion de Ravenne, qui a constitué un pas important dans le rapprochement du Patriarcat de Constantinople avec l’Église catholique romaine, en particulier pour la reconnaissance d’une certaine primauté du pape de Rome, est s’est trouvé accéléré par la crainte de voir un accord définitif se réaliser sur ce point au cours de la prochaine réunion organisée à Chypre.
Cette réaction a pris suffisamment d’ampleur pour inquiéter le patriarche de Constantinople Bartholomée et son adjoint en matière de politique extérieure (qui est le principal artisan de la politique de rapprochement avec Rome et le président de la Commission internationale mixte de dialogue du côté orthodoxe), le métropolite Jean de Pergame, qui ont tous deux publié des déclarations où est clairement évoqué un risque de schisme au sein de l’Église orthodoxe.
A. La « Confession de foi », dont on peut lire ici l’intégralité du texte en grec et en anglais, proclame notamment :
«1. Nous gardons intact et inaltéré tout ce que les conciles et les Pères ont institué. Nous acceptions tout ce qu’il sont accepté et condamnons tout ce qu’ils ont condamné ; en conséquence, nous évitons toute relation avec ceux qui innovent en matière de foi. Nous n’ajoutons, n’enlevons et ne changeons rien en matière de foi. [...] Avec les saints Pères et les conciles, nous rejetons et anathématisons toutes les hérésies qui se sont présentées dans le cheminement historique de l’Église. Des anciennes hérésies qui ont survécu jusqu’à ce jour, nous condamnons le monophysisme (depuis sa forme extrême chez Eutychès jusqu’à celle que lui ont donnée Sévère et Dioscore), en conformité avec les décisions du IVe concile oecuménique et l’enseignement christologique des saints Pères et Docteurs, comme S. Maxime le Confesseur, S. Jean Damascène, le grand Photius et aussi les offices liturgiques de l’Église.
2. Nous proclamons que le papisme [ndlr: nom habituellement donné en Grèce au catholicisme romain, en raison de l'importance qu'il reconnaît au pape] est une matrice d’hérésies et d’erreurs. L’enseignement du Filioque, c’est-à-dire de la procession du Saint-Esprit à partir du Père et du Fils, est contraire a tout ce que le Christ lui-même a enseigné au sujet du Saint Esprit. Le chœur tout entier des Pères, réunis en conciles ou individuellement, regarde le papisme comme une hérésie parce que, en plus du Filioque, il a produit une foule d’erreurs telle que: la primauté et l’infaillibilité du pape, l’usage de pain sans levain, le feu du purgatoire, l’immaculée conception de la Mère de Dieu, l’achat de l’absolution (le commerce des indulgences). Il a altéré à peu près tout ce qui concerne l’enseignement et la pratique relatifs au baptême, à la chrismation, à la divine eucharistie et aux autres sacrements et a transformé l’Église en un État séculier. Le papisme de l’époque moderne a plus encore que le papisme médiéval dévié de l’enseignement de l’Église, a tel point qu’on ne peut plus le comprendre dans la continuité de l’ancienne Église d’Occident. Il a introduit de nombreuses exagérations dans sa mariologie, comme l’enseignement que la Mère de Dieu est co-rédemptrice de l’humanité. Il a renforcé le mouvement charismatique ou les groupes pentecôtiste (prétendument centrés sur l’Esprit). Il a adopté d’autres innovations dans le culte liturgique, tels que la danse et l’usage d’instruments de musique. Il a abrégé la divine liturgie et en a ruiné l’essence. Dans le domaine de l’œcuménisme, il a jeté, avec son concile Vatican II, les bases d’une pan-religion, en reconnaissant une vie spirituelle aux membres des autres religions. Le minimalisme dogmatique a conduit à un minimalisme des exigences morales [...]. En continuant à soutenir l’“unia” (qui est une caricature de l’orthodoxie, au moyen de laquelle elle fait parmi les croyants de nombreux prosélytes et victimes), le papisme a saboté le dialogue et contredit ses intentions prétendument sincères concernant l’union. [...]
3. La même chose est vraie, à un plus haut degré, pour le protestantisme qui, comme enfant du papisme, a hérité de beaucoup d’hérésies, et en a ajouté de nombreuses autres. Il a rejeté la Tradition, accepté la Bible comme seule référence (sola scriptura) tout en l’interprétant de manière erronée ; il a aboli le sacerdoce comme grâce sacramentelle spécifique, tout comme la vénération des saints et des saintes icônes ; il a avili la personne de la sainte Mère de Dieu ; il a rejeté le monachisme; des saints mystères, il accepte seulement le baptême et la divine eucharistie, mais en altérant aussi à leur sujet l’enseignement et la pratique de l’Église ; il enseigne la prédestination et le salut par la foi seule. Sa part la plus progressiste a introduit la prêtrise pour les femmes et le mariage pour les homosexuels, lesquels sont même acceptés pour la prêtrise. Mais surtout, il manque d’ecclésiologie, car la notion d’Église telle qu’elle est perçue par l’Église orthodoxe est pour lui inexistante.
4. Le seul moyen de rétablir la communion avec les hérétiques est le rejet par eux de l’erreur, et leur repentir, afin que puisse se produire une union et une paix véritables : l’union avec la vérité et non avec l’hérésie.
Pour l’incorporation des hérétiques dans l’Église, la rigueur canonique exige qu’ils soient reçus par le baptême. Le précédent “baptême” accompli en dehors de l’Église sans la triple immersion et émersion du baptisé dans de l’eau spécialement sanctifiée et réalisé par un prêtre qui n’est pas orthodoxe n’est en aucun cas un baptême ; un tel acte est privé de la grâce du Saint-Esprit. [...] La nouvelle tentative des œcuménistes de promouvoir l’opinion selon laquelle nous avons un baptême commun avec les hérétiques est infondée. [...]
5. Étant entendu que les hérétiques continuent à demeurer dans l’erreur, nous évitons la communion avec eux, particulièrement dans la prière commune. L’attitude sévère de l’Église à l’égard des hérétiques provient du véritable amour et de l’intérêt sincère qu’elle a pour leur salut, ainsi que du souci pastoral qu’elle a pour les fidèles, afin qu’ils ne tombent pas dans l’hérésie. Les saints canons dans leur totalité interdisent non seulement les célébrations communes qui ont lieu dans les églises, mais aussi les prières communes qui prennent place dans des lieux privés [...].
6. Jusqu’au début du XXe s., l’Église avait une attitude immuable et stable dans le rejet et la condamnation de toutes les hérésies, comme cela figure dans le Synodicon de l’orthodoxie, lu le Dimanche de l’orthodoxie. Malheureusement, cette attitude, dès le début du XXe s., a commencé graduellement à être abandonnée après l’encyclique du Patriarcat œcuménique en 1920 adressée “aux Églises du Christ en tout lieu”, qui, pour la première fois désigne officiellement les hérésies comme des Églises [...].
7. Ce syncrétisme inter-chrétien est désormais élargi en syncrétisme interreligieux, qui met à égalité toutes les religions avec [...] la seule Église du Christ. En conséquence, il rejette non seulement le dogme de l’Église une, sainte, catholique et apostolique, mais aussi le dogme fondamental de la seule Révélation au monde et du seul salut des hommes par Jésus Christ.
8. Nous croyons et nous confessons que c’est seulement dans le Christ qu’il existe une possibilité de salut. L’Église n’est pas seulement la véritable Église, elle est la seule Église. Elle seule est restée fidèle à l’Évangile, aux conciles et aux Pères, et, en conséquence, elle seule représente la véritable Église catholique du Christ. Pour le bienheureux père Justin Popovitch, l’œcuménisme est le nom commun pour les pseudo-Églises de l’Europe occidentale. Leur nom commun est en fait “panhérésie” […].
Cette panhérésie, a été acceptée par beaucoup de patriarches, archevêques, évêques, clercs, moines et laïcs orthodoxes. Ils l’enseignent “la tête nue”, la mettant en pratique et l’imposant en acte, communiquant de toutes sortes de façons avec les hérétiques, par des concélébrations, des échanges de visites, des collaborations pastorales, se plaçant ainsi en dehors de l’Église. Notre position, suivant les décisions canoniques conciliaires et des saints, est manifeste. Chacun doit faire face à ses propres responsabilités.
9. Il y a naturellement des responsabilités collectives et principalement chez nos hiérarques et théologiens œcuménistes, envers le plérôme orthodoxe et leur troupeau. Nous leurs déclarons avec crainte de Dieu et amour que cette attitude et leurs ouvertures envers les activités œcuménistes sont condamnables de tout côté parce que :
a) ils mettent en doute notre tradition et foi orthodoxe et patristique;
b) ils sèment le doute dans les cœurs du troupeau et indisposent beaucoup de personnes, les menant ainsi à la division et au schisme;
c) ils attirent une partie du troupeau dans l’erreur et ainsi dans la chute spirituelle.
Aussi, nous proclamons que, pour ces raisons, ceux qui se meuvent dans cette irresponsabilité œcuméniste, quelle que soit leur place dans l’organisme ecclésial, se trouvent en contradiction avec la tradition de nos saints et par voie de conséquence en opposition avec eux.
C’est pour cette raison que leur attitude doit être condamnée et rejetée par l’ensemble des hiérarques et du peuple fidèle.»
C. Le 26 septembre, le métropolite de Pergame Jean (Zizioulas) a adressé la lettre suivante «à tous les métropolites de l’Église d’Hellade au sujet de la Confession de foi contre l’œcuménisme» :
«On répand, de façon on ne peut plus mensongère et calomniatrice, que la signature de l’union des Églises est imminente! Un confrère, professeur de théologie, connu pour son inimitié envers ma personne, a rendu visite à un hiérarque de l’Église d’Hellade et lui a déclaré qu’il savait avec certitude (!) que l’union avait déjà été décidée (à Ravenne !) et que sa proclamation n’était qu’une question de temps!!! Les clercs et les laïcs me demandent s’il est vrai qu’au mois d’octobre à Chypre sera signée l’union! Il est manifeste que de cette façon on cherche à provoquer l’inquiétude dans le peuple de Dieu, avec des conséquences imprévues pour l’unité de l’Église. Mais ceux qui propagent cela savent assurément (s’ils n’ont pas été aveuglés par la passion, le fanatisme ou la manie de se mettre en avant), premièrement que le dialogue théologique mené doit connaître encore un très long parcours, car les différences théologiques, qui se sont accumulées durant mille ans de séparation, sont nombreuses. Deuxièmement, que la commission du dialogue est complètement incompétente pour «signer» l’union, étant donné que ce droit appartient aux conciles des Églises. Pourquoi donc cette désinformation plus que mensongère? Ceux qui répandent ces “informations” mensongères ne pensent pas aux conséquences pour l’unité de l’Église : “Celui qui vous trouble, quel qu’il soit, en portera la peine” (Gal 5, 10).
Éminence, le devoir de tous, en particulier des évêques, placés par Dieu pour se préoccuper du maintien de l’unité canonique de leur troupeau, est énorme. Le risque est ecclésiologique: quelle est l’autorité et la validité des décisions conciliaires? Obéirons-nous aux décisions conciliaires, comme nous le faisons, étant mis en place pour cela, ou bien aux “zélotes” de l’orthodoxie ? L’orthodoxie existe-t-elle, et les dogmes de foi, sans décisions conciliaires? Prenez position, nous vous en prions, sur ce sujet avant que nous soyons conduits à un dédain complet des décisions conciliaires et à ce que votre troupeau soit divisé en raison de notre éventuelle négligence».
Source: 1.
C. Le 2 octobre dernier, S.S. le patriarche œcuménique Bartholomée a adressé une lettre à S .B. Hiéronymos, archevêque d’Athènes et primat de toute la Grèce, au sujet de cette «Confession de foi contre l’œcuménisme», dont voici les principaux passages :
«À ce sujet, par consultation synodale, nous souhaitons vous exprimer la profonde préoccupation du Patriarcat œcuménique et ce pour les raisons suivantes:
C’est un fait connu que depuis longtemps existent et sont cultivées, particulièrement dans le cadre de l’Église d’Hellade, des tendances zélatrices, qui se manifestent par la polémique, parfois aiguë et inappropriée, contre les dialogues et les contacts de l’Église orthodoxe avec les hétérodoxes. Certes, l’Église orthodoxe, n’a jamais empêché ni blâmé l’expression de critiques envers les actes et les décisions de l’Église, raison pour laquelle nous n’avons jamais protesté contre ces tendances, bien que, comme nous l’avons dit, elles se manifestent souvent de façon inappropriée, fanatique et, par voie de conséquence, impie. Nous nous serions abstenus de nous adresser à vous, s’il s’agissait une critique de cette sorte, bien qu’inconvenante et inappropriée.
Mais le cas de la «confession» en question présente certaines particularités qui provoquent notre inquiétude, étant donné que :
a) Ce texte se donne le titre de “Confession de foi”, rivalisant, d’une certaine façon — ou quoi qu’il en soit constituant un parallèle — avec les «Confessions de foi» officielles, comme celles des conciles saints et œcuméniques ou d’autres “confessions” portant les noms de personnalités telles que Pierre Moghila, Dosithée de Jérusalem et d’autres. Mais tandis que ces dernières ont fait l’objet d’une ratification synodale, la «confession» dont il est ici question n’a été aucunement ratifiée de cette façon, et, par ce titre égare une partie du peuple fidèle, se présentant comme une telle “Confession”.
b) La “Confession” comprend in fine la proclamation que tous ceux qui communiquent avec les hétérodoxes et prient avec eux, se trouvent automatiquement en dehors de l’Église. Cela signifie que tous les patriarches et les autres primats d’Églises autocéphales avec leurs Saint-Synodes respectifs, en tant que participants à ces contacts et dialogues se sont mis en dehors de l’Église!!! Les signataires de la “confession”, de cette façon, nous taxent d’extérieurs à l’Église, c’est-à-dire de schismatiques. On peut se demander par conséquent pourquoi ils n’ont pas rompu la communion sacramentelle avec nous, étant donné que nous nous tous nous trouvons, selon eux, “en-dehors de l’Église”. Le germe du schisme existe dans les expressions susmentionnées de la “Confession”, ce qui convient de provoquer l’inquiétude de tous les pasteurs de l’Église.
c) Cette inquiétude s’aggrave encore par le fait que la “Confession” est signée également par certains évêques de l’Église d’Hellade, comme si la confession qu’ils ont donnée lors de leur sacre épiscopal était insuffisante. Nous voulons croire que les hiérarques signataires ont agi sans prendre conscience du fait que ce faisant ils mènent au schisme à l’intérieur de la hiérarchie, étant donné que les contacts avec les hétérodoxes ont été entérinés par les décisions conciliaires de toutes les Églises orthodoxes. Car il est incompréhensible que ces évêques, d’une part, par leur signature sous la “Confession” affirmant que ceux qui participent à des contacts avec les hétérodoxes “se mettent automatiquement hors de l’Église”, se considèrent d’autre part dans leur vie liturgique et autre en communion avec eux, commémorant notamment leur nom lors de la divine liturgie.
Béatitude, les contacts avec les hétérodoxes, comprenant des dialogues théologiques avec eux, ne constituent pas des actes de certaines Églises ou personnalités, mais, comme nous l’avons dit, des décisions de toutes les Églises orthodoxes sans exception, y compris la très sainte Église d’Hellade, comme l’est la décision de la IIIe consultation pan-orthodoxe préparatoire au concile (1986) ainsi que les accords portant sur le contenu de notre dialogue théologique avec l’Église catholique-romaine, signés et joints en copie et envoyés.
La constatation que cela est oublié par les signataires de cette “Confession” nous afflige grandement. L’Église d’Hellade, ne condamnant pas, mais acceptant tacitement la mise en circulation du texte de la “confession de foi”, selon laquelle sont mis hors de l’Église tous ceux qui participent aux relations avec les hétérodoxes, signé notamment par certains de ces évêques, pose problème non seulement dans son troupeau mais aussi relativement à sa communion avec les autres Églises orthodoxes.
En conséquence, nous demandons à Votre Béatitude et à la vénérable hiérarchie auprès d’elle, de prendre le plus vite possible, officiellement, position à l’égard de la “Confession de foi” mentionnée et de ses clercs qui l’ont signée, prenant en considération le danger que court l’unité de l’Église, la tolérance qui a été montrée prouvant qu’elle constitue un encouragement pour certains de ses évêques à de tels actes séparatistes.»
Texte complet : 1.
Certains observateurs ont fait part de leur étonnement que, dans cette lettre, le patriarche Bartholomée:
1) au lieu de contribuer à rétablir l’unité et la paix en rassurant les fidèles inquiets quant à ses intentions, semble inciter les hiérarques et clercs signataires de la «Confession de foi» à mettre leurs actes en accord avec celle-ci en cessant la commémoration de la hiérarchie dans les dyptiques et en se séparant de l’Église.
2) assimile (comme le fait aussi dans sa lettre le métropolite Jean de Pergame) à des conciles ayant autorité des commissions inter-ecclésiales ou pan-orthodoxes qui sont simplement constituées d’experts et ont en vue d’organiser le dialogue, et dont les membres participent à celui-ci, sans que leurs prises de positions, y compris celles exprimées dans les communiqués finals, aient une valeur autre que consultative et soient toujours ratifiées par les Saints-Synodes de leurs Églises respectives (on peut même constater que, dans la plupart des cas, seul le patriarcat de Constantinople a entériné de telles conclusions).
D’un autre point de vue, de nombreuses critiques se sont élevées en Grèce contre l’intervention du patriarche Bartholomée auprès de l’archevêque d’Athènes et celle du métropolite Jean de Pergame auprès des hiérarques de l’Église d’Hellade, considérant ces interventions des hiérarques du Patriarcat de Constantinople comme des ingérences intolérables dans les affaires d’une Église autocéphale. On pourra lire ici, par exemple, la réponse de Dimitrios Tseleggidis, professeur à la Faculté de Théologie de Thessalonique, au Métropolite Jean de Pergame.
D. Le 8 octobre dernier, la Sainte-Communauté du Mont-Athos a publié le communiqué suivant :
« Décision officielle de la Sainte-Communauté du Mont-Athos au sujet de la réunion de la communion mixte du dialogue entre l’Église orthodoxe et les catholiques romains.
La Sainte-Communauté a pris la décision suivante :
À travers les siècles, la Sainte Montagne reste, par la grâce du Christ, la fidèle gardienne de la sainte foi orthodoxe, que les apôtres prédicateurs de Dieu ont transmis à l’Église et que nos Pères théophores avec les saints conciles œcuméniques ont préservée intacte. Cette tradition a été fidèlement par les pères athonites qui nous ont précédés.
Ayant été informés que la réunion de la commission mixte internationale de dialogue théologique entre l’Église orthodoxe et les catholiques-romains, va examiner la question du “rôle de l’évêque de Rome dans la communion des Églises durant le premier millénaire”, notre sainte communauté, ignorant l’ordre du jour exact du dialogue concerné, exprime sa vive inquiétude et sa perplexité, car la primauté papale est discutée sans que le papisme ait préalablement renoncé à ses dogmes hérétiques et son caractère séculier (cf. l’État du Vatican). La seule condition préalable à la discussion de la question de la primauté est le retour des catholiques romains à la foi orthodoxe et à la conciliarité de l’Église orthodoxe, et non “l’union dans la diversité” des dogmes.
L’Église orthodoxe est la seule “Église, une, sainte et apostolique”, comme l’a proclamé, en la vénérable église du Protaton, Sa Toute-Sainteté le patriarche œcuménique Bartholomée le 21.8.2008, lors de sa visite sur la Sainte Montagne. C’est ce que nous croyons aussi, et nous resterons fidèles à ce que les saints Pères ont prêché. »
Source : 1.
E. Le 10 septembre 2009, M. Dimitrios Tseleggidis, professeur de dogmatique à l’Université Aristote de Thessalonique, avait mis en garde les membres de la Commission internationale mixte de dialogue devant se réunir à Chypre au cours du mois d’octobre, contre le risque de dissocier les problèmes ecclésiologiques des problèmes dogmatiques (comme tendent à le faire depuis plusieurs années les organisateurs du dialogue pour une double raison : 1) le manque d’espoir de trouver une solution aux différents dogmatiques qui opposent les deux Églises ; 2) l’orientation par l’Église catholique romaine du dialogue dans les sens de sa principale préoccupation : voir l’autorité du pape de Rome reconnue par l’ensemble du monde chrétien ; 3) la confirmation de cette orientation par le patriarcat de Constantinople désireux avant tout de se voir reconnaître une autorité du même genre dans l'ensemble du monde orthodoxe). Le professeur D. Tseleggidis souligne que la solution des problèmes dogmatiques constitue un prérequis de la solution des problèmes ecclésiologiques.
Il pose cette question : «Comment, dans le cadre de ce dialogue, pouvons nous raisonnablement discuter de la place institutionnelle et hiérarchique d’une personne (à savoir le pape) au sein de l’Église aussi longtemps que cette personne est, non seulement en pratique mais dans le principe, en dehors de l’Église ? Si, en dépit de cela, on discute de la primauté de l’évêque de Rome d’un point de vue purement théorique, permettez-moi de vous rappeler cette indiscutable vérité : à aucun moment, au cours du premier millénaire, l’Église n’a reconnu dans la personne du pape de Rome la primauté d’autorité et de pouvoir à un niveau global. L’autorité suprême sur l’Église œcuménique (l’Église dans sa totalité) a toujours et seulement été exercée par les conciles œcuméniques.»
Source : 1.