La Croix
Les pratiques de méditation, revenues en Occident par le biais des religions orientales, correspondent aussi à une tradition chrétienne très ancienne, notamment dans la vie monastique
Sur une plage du Lac de Tibériade lors du pèlerinage des étudiants «Aux Sources», le 24 juillet 2009 (Photo : P.RAZZO/CIRIC).
L’assemblée est assise sur des chaises ou des bancs de prière, dos droit et tête haute, les yeux mi-clos, immobile. Pas un mot ne s’échappe de leur bouche. Pourtant, chacun articule intérieurement les mêmes quatre syllabes. « Ma-ra-na-tha ». « Viens, Seigneur », en araméen. C’est le « mot de prière » conseillé par le P. John Main (1926-1982).
La pensée de ce moine bénédictin, fondateur en 1975 à Londres du Centre de méditation chrétienne, irrigue la Communauté mondiale des méditants chrétiens (CMMC), créée en 1991 pour, disent-ils, « œuvrer à la redécouverte de la dimension contemplative au sein de l’Église ».
Dans ses enseignements, le moine prescrit deux temps de méditation par jour. Une demi-heure, idéalement le matin avant le petit-déjeuner, et le soir, avant le repas. Cette prière contemplative repose sur la répétition incessante d’un « mantra », (« Maranatha », « Jésus », « Kyrie Eleison », etc.).
«Préserver le plus possible ce cœur à cœur avec Dieu»

Les pratiquants ne sont pas en recherche d’une expérience mystique. La plupart en tirent un « apaisement », comme Marie. « J’aime comparer la méditation à cet épisode de l’Odyssée, lorsque Ulysse s’enchaîne au mât de son navire pour ne pas céder au chant des sirènes, explique ce cadre en ressources humaines. La méditation est mon mât et m’aide à résister aux sirènes de l’ego. »
Bien sûr, la méditation n’est pas un exercice aisé. Même après de nombreuses années d’expérience, l’esprit vagabonde. « Certains jours, c’est une bagarre, comme le curé d’Ars avec ses démons, témoigne Martine. L’important est de ne pas s’accrocher à quelque idée bonne ou mauvaise, de garder le cap, en préservant le plus possible ce cœur à cœur avec Dieu », poursuit cette journaliste, qui prolonge chaque méditation par un temps de prière.

La méditation engendre les fruits de l’Esprit

Pour certains, en revanche, la méditation est un chemin de retour vers la tradition chrétienne, voire vers l’Église. « Elle développe le souci de mieux comprendre les Écritures, de redécouvrir la prière », relève le P. Laurence Freeman, moine bénédictin olivetain, directeur spirituel de la CMMC.
Pour lui, les effets de la méditation sont à rechercher dans « la relation avec nous-même, avec les autres et avec Dieu. Elle engendre les fruits de l’Esprit tels que les décrit saint Paul : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi », développe l’auteur d’un livre à deux voix avec le dalaï-lama.

«Une relation à la Parole dans le silence»

D’autres s’inspirent du P. Thomas Keating, père trappiste américain organisateur de retraites au cours desquelles est pratiquée la « centering prayer » (centrage par la prière). Et le premier groupe lié à la CMMC est né en 1997 au Forum 104, centre de dialogue entre les cultures et les spiritualités des Maristes, à Paris.
« Certains, comme moi, sont entrés dans le zen, poursuit le P. Durel. D’autres ont redécouvert la prière du cœur orthodoxe. » Pour autant, aucun syncrétisme ici. « On devrait ici parler de méditation sans objet, qui est une relation à la Parole dans le silence. C’est une expérience contemplative qui n’est pas une sortie de l’univers chrétien, mais qui en est la pointe ultime. »

Avec Vatican II, la prière contemplative a été valorisée

Comme Jean Cassien (IVe siècle), dont se réclame la CMMC, qui introduit dans sa dixième Conférence sur la prière la répétition continuelle et silencieuse d’un même mot. Hormis au sein des communautés monastiques, cette pratique s’était pourtant perdue au sein de l’Église occidentale.
« Au lendemain de la Réforme, la méditation paraissait trop catholique pour les protestants, et les catholiques se méfiaient d’une expérience trop individuelle de la foi, estime le P. Laurence Freeman. Ce n’est qu’avec le concile Vatican II que la prière contemplative a de nouveau été valorisée. »

«La méditation n’est plus un effet de mode»

Pour le P. Laurence Freeman, « jamais dans l’histoire il n’y a eu autant de personnes pratiquant la méditation, de manière consciente et disciplinée ». Si aucun rapport officiel n’a encore été établi avec la conférence épiscopale de France, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, s’était rendu l’an passé à la première rencontre francophone de la communauté (la deuxième s’est tenue à la mi-janvier à Valpré).
Le P. Bernard Durel estime que « la méditation n’est plus un effet de mode. De bons chrétiens, bien dans l’Église, respectueux des sacrements, ont adopté cette forme de prière contemplative. »
Bénévent TOSSERI, à Écully (Rhône)