Lettre pastorale
du saint Synode de l’Eglise orthodoxe roumaine
pour le dimanche de l’Orthodoxie de l’an 2011 du Seigneur
A nos bien-aimés du clergé, de la communauté monastique
et des fidèles confesseurs de la vraie foi
dans le Patriarcat roumain
Grâce, miséricorde et paix de la part de Dieu le Père
et de Jésus-Christ, notre Dieu,
et bénédiction archiépiscopale de notre part !
Révérends et honorables Pères,
Bien-aimés croyants et croyantes,
Rendons grâce au Dieu de bonté de nous avoir trouvés dignes de commencer le cours spirituel du carême des saintes Pâques : nous y tendons, chacun selon ses forces, de nous associer au Christ sur la route de la Croix, pour mourir et ressusciter avec lui, c’est-à-dire pour mourir au péché et ressusciter dans la sainteté et dans une vie pure. Toute notre vie chrétienne, en réalité, est une mort et un résurrection avec le Christ Seigneur ; un effort continuel pour accomplir la promesse faite à notre baptême, notamment le renoncement à Satan et à toutes ses oeuvres ; pour nous unir au Christ afin de le servir, comme unique Seigneur et Roi, pour lui devenir ressemblants par l’humilité et la miséricorde. Les carêmes de chaque année, en particulier le grand Carême des saintes Pâques, constituent des occasions particulières pour nous fortifier dans la foi et porter des fruits d’amour miséricordieux. Nous le faisons de deux façons: d’abord, par la lutte contre les passions égoïstes, par l’abstinence dans le manger et le boire, dans les plaisirs corporels, et dans toute oeuvre mauvaise ; ensuite, par une prière plus importante et plus pure, la réconciliation avec le prochain, la multiplication du bien à l’égard de tous les hommes, et la communion plus fréquente au Corps et au Sang de notre Seigneur Jésus Christ.
Ce dimanche, appelé Dimanche de l’Orthodoxie, a pour nous, chrétiens orthodoxes, une signification à part et une histoire qui s’enracine dans le IXème siècle, époque à laquelle l’Eglise l’a emporté sur l’hérésie iconoclaste, dirigée contre les saintes Icônes.
Après bien une centaine d’années de controverse et de lutte contre les saintes Icônes, provoquées par certains empereurs byzantins, à partir de 726, le culte des saintes Icônes, de la sainte Croix et des saintes Reliques a été rétabli, avec autorité, par le septième Concile oecuménique de Nicée, en 787 ; il l’a été ensuite, solennellement, par le concile de Constantinople de 843 : celui-ci a décidé que, le premier dimanche du grand Carême, on célébrerait le triomphe de l’Orthodoxie sur toutes les hérésies ou écarts par rapport à la vraie foi. C’est également à cette époque qu’il fut décidé que ce dimanche s’appelleraitDimanche de l’Orthodoxie, c’est-à-dire Dimanche de la vraie foi dans l’unique Dieu véritable qui nous a été révélé en Jésus Christ (cf. Jean 17, 3) : ce qui en découle est que la Vérité est issue de Dieu et que Dieu est Vérité. En ce sens, le Sauveur Lui-même a dit : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie » (Jean, 14, 6). Cela veut dire que la Vérité est, non pas un concept abstrait, une théorie ou le produit de la raison, mais une Personne éternelle et vivante, Jésus Christ, qui s’est fait Homme pour révéler aux hommes la vérité du Salut et leur donner la vie éternelle, par la foi en Dieu le Père, le Fils et l’Esprit saint.
Les saints Pères des Conciles oecuméniques, inspirés par l’Esprit saint, ont protégé et ont défini la vérité de la foi salvatrice en ce qui concerne l’unité de nature, ou consubstantialité, l’égalité, la distinction et la collaboration des personnes de la sainte Trinité : le Père, le Fils et le saint Esprit ; ils ont également précisé la vérité de la foi en ce qui concerne le mystère de l’Eglise, du saint Baptême, de la résurrection des morts et de la vie éternelle –ces vérités sont attestées dans le Symbole orthodoxe, formulé par les premiers deux conciles oecuméniques de Nicée (325) et de Constantinople (381).
Dans leur lutte contre les hérésies, qui sont des éloignements de la vraie foi, les saints Pères, réunis en conciles oecuméniques, ont également défini la vérité de la foi en ce qui concerne la divinité et l’humanité de la personne du sauveur Jésus Christ, et la qualité de Génitrice de Dieu de la Mère de Dieu et toujours vierge Marie, ainsi que la vérité en ce qui concerne la vénération des Saints, des saintes Icônes et des saintes Reliques : la vérité de la foi est le fondement de la vraie communion de vie avec Dieu. Pour cette raison, la vérité des dogmes de foi est attestée dans la vie liturgique de l’Eglise, en tant que sacrement ou mystère du Salut, c’est-à-dire de l’union de l’Homme à Dieu par grâce, pour jouir de la vie éternelle.
Ainsi, l’Orthodoxie est par excellence mystique. Pour nous, Orthodoxes, le mystère de la foi n’est pas un simple objet de spéculation intellectuelle ; mais il se vit dans l’état de prière, d’adoration de Dieu et de vénération de ses Saints dans sa sainte Eglise. Dans la mesure où nous croyons en Dieu le Père, le Fils et le saint Esprit, nous adorons la très sainte Trinité, nous confessons le Sauveur Jésus Christ comme Dieu véritable et Homme véritable ; nous magnifions la Mère de Dieu à la fois comme Mère et comme Vierge ; nousvénérons les Saints de Dieu et leurs saintes Icônes, comme nous vénérons la sainte Croix et le saint Evangile, qui ne sont pas simple matière, mais matière sanctifiée ou porteuse de grâce, située en liaison spirituelle avec le Christ et ses Saints. Nous vénérons encore les saintes Reliques des Saints, dans la mesure où celles-ci sont les arrhes de la résurrection du corps et de la transfiguration ou renouvellement de l’univers actuel en ciel nouveau et en terre nouvelle, à la venue en gloire du Christ (cf. Apocalypse 21).
Pourtant l’Orthodoxie n’est pas seulement vraie foi : elle également vraie vie dans le Christ. Comme nous le savons, en langue grecque « orthodoxe » signifie autant « vrai croyant » que « vrai glorificateur ». Orthodoxe est donc celui qui glorifie en vérité Dieu non seulement par le témoignage de la vraie foi, mais également par la participation aux saintes célébrations de l’Eglise, et par une vie droite et des actions bonnes accomplies suivant ses commandements.
Bien aimés croyants et croyantes,
Comme nous l’avons dit, le Dimanche de l’Orthodoxie, nous fêtons le triomphe de la vraie foi sur les hérésies qui ont mis à l’épreuve la vie des fidèles du premier millénaire de l’Eglise chrétienne. A cette époque, de nombreux hiérarques, moines et prêtres, ainsi que de très nombreux fidèles, ont souffert d’innombrables persécutions, des coups, des emprisonnements, des exils et même la mort pour leur courage dans la vénération et la garde des saintes Icônes.
Les offices de vêpres et de matines du Dimanche de l’Orthodoxie sont composés de chants relatifs à l’icône du Sauveur Jésus Christ. Celle-ci, comme l’ont montré les saints Pères du septième Concile oecuménique, est le prototype et la justification de toutes les saintes Icônes. Par conséquent, les saintes Icônes font partie intégrante de la tradition vivante de l’Eglise, dans la mesure où par elles est confessée la vérité selon laquelle le Fils de Dieu invisible s’est fait visible, c’est-à-dire Homme, pour unir les hommes à Dieu. Pour cette raison, nous ne pouvons imaginer une église orthodoxe sans icônes ; nous ne pouvons célébrer la sainte liturgie ou un autre office sans avoir devant nous au moins l’icône du Sauveur et l’icône de la Mère de Dieu. La beauté et le climat sacramentel et mystique d’une église orthodoxe sont dus surtout aux saintes Icônes et aux fresques qui l’ornent. Cela s’explique par le fait que la sainte Icône est, non un simple tableau d’inspiration religieuse, mais un art sacré ou saint et une présence charismatique du Sauveur, de la Mère de Dieu et des Saints : les fidèles ressentent cette présence quand ils prient les Saints que montrent les saintes Icônes.
Dans l’Orthodoxie pourtant, ce n’est seulement l’espace de l’église qui est orné des saintes Icônes. Mais la maison de la famille chrétienne également est appelée symboliquement église domestique. Chaque jour, devrait s’y réunir pour la prière toute la famille chrétienne : les parents, avec tous les enfants et les grands-parents. La prière devant les saintes Icônes est plus intime et plus profonde. Faite avec humilité et pleine concentration, la prière devant les saintes Icônes nous enflamme le coeur d’amour et de piété à l’égard de Dieu, de la Mère de Dieu et des Saints, qui nous aident à aimer tous les hommes, puisque tous sont créés à l’image de Dieu.
Bien aimés croyants et croyantes,
Dieu a fait l’être humain à son image, en insufflant dans sa face un souffle de vie. Ainsi l’homme est-il devenu « créature vivante » (Genèse 1, 26 ; 2, 27). Ensuite, les premiers hommes, Adam et Eve, ont reçu comme commandement : « Croissez et multipliez-vous, et remplissez la terre et gouvernez-la » (Genèse1, 28). Par conséquent, tout être humain qui vient dans le monde porte en soi le sceau de l’image de Dieu, qui fait de lui une personne unique et irrépétable, pleine de mystère, une créature irréductible au monde matériel et porteuse d’une vocation éternelle. La vie de la personne humaine est le plus grand don de Dieu, et cette vie commence au moment de la conception et de l’apparition de l’embryon vivant. Dès cet instant, l’être humain est « âme vivante », c’est-à-dire une personne qui porte en soi l’image du Dieu éternel et vivant, et qui est appelée à la vie éternelle. De la conception à la naissance et jusqu’à la fin de la vie terrestre, l’être humain croît, mûrit et s’accomplit en communion avec Dieu et avec ses semblables ; et après la mort du corps, l’âme de l’homme demeure vivante, ayant une conscience et une mémoire spirituelle, dans la mesure où il est appelé à la vie éternelle.
Par conséquent, si nous sommes chrétiens, il faut que nous affirmions toujours que la vie de l’être humain, en tant que don saint de Dieu, a son commencement dans le moment de la conception ou apparition de l’embryon vivant. Comme tel, le droit à la vie commence avec le droit de l’embryon à se développer dans le sein de sa mère et le droit du foetus à naître. Qui tue la vie de l’embryon ou du foetus commet le péché de meurtre. Malheureusement, le crime de l’avortement, qu’il soit provoqué par un médicament ou par une intervention chirurgicale, est aujourd’hui très répandu dans le monde : et la Roumanie se trouve, à cause de nos péchés, sur la liste des premiers pays du monde en ce qui concerne le taux d’avortements. Ce péché terrible ne reste pas sans conséquence pour la santé de ceux qui le commettent, pour la famille et pour la société humaine. Le bonheur fondé sur le crime ne peut être béni par Dieu, puisque, par le crime contre l’être humain, est mis à mort l’amour des hommes.
Les si nombreuses souffrances du monde contemporain viennent justement du manque d’amour miséricordieux et magnanime entre les hommes et du manque d’entraide. Beaucoup de gens se sentent isolés, abandonnés, découragés, incompris ; ils cherchent la fuite dans l’alcool, dans la débauche, dans les drogues ou dans les passions égoïstes qui détruisent progressivement leur âme et leur corps. Pour cette raison, ils ont besoin de l’aide de l’Eglise, que les saints Pères appellent « l’hôpital spirituel ». Dans l’Eglise, en communion avec Dieu, avec ses Saints et les autres croyants, les hommes expérimentent intensément la vie comme don de Dieu, qu’il faut protéger, cultiver et sanctifier. Certes, aujourd’hui beaucoup de souffrances viennent également de l’état de pauvreté matérielle, qui s’aggrave toujours dans notre pays et dans le monde, parce qu’augmente la cupidité de ceux qui veulent s’enrichir rapidement et à n’importe quel prix. Pour cette raison, l’Eglise cherche à organiser une assistance sociale et caritative aussi développée que possible, exhortant ceux qui ont plus de biens matériels à en faire l’offrande à ceux qui ont moins ou qui n’ont rien. Ainsi, par la contribution de ses fidèles, tout d’abord, mais également par le moyen d’autres contributions, notre Eglise a développé jusqu’à présent de nombreux programmes d’assistance sociale, d’action philanthropique ou caritative, comme par exemple : les cantines pour les pauvres, les foyers pour les enfants, les maisons pour les personnes âgées, les unités médicales pour les malades, etc.
Bien aimés Frères et Soeurs dans le Seigneur,
Justement pour mener à bien ces projets et pour en initier de nouveaux autres, il est déjà devenu une tradition que, le Dimanche de l’Orthodoxie, on réalise dans toutes les églises du Pays, et, à partir de cette année 2011, également dans les paroisses orthodoxes de la Dispersion roumaine, une collecte pour le Fonds Central Missionnaire de l’Eglise orthodoxe roumaine. Pour cette raison, nous vous exhortons à offrir, de bon coeur, une aide à vos frères, montrant ainsi la solidarité avec les plus démunis de nos semblables.N’oublions jamais que dans le visage de l’être humain affamé, de celui qui est nu, du malade, du prisonnier, de celui qui est triste et qui souffre, vient vers nous, dans le mystère, le Christ Lui-même. Par conséquent, tout bien, spirituel ou matériel, que nous faisons à nos semblables, nous le faisons au Christ lui-même qui nous bénira de ses dons ici, sur terre, et au Jugement dernier (cf.Matthieu 25). Puisque notre Sauveur Jésus Christ nous assure qu’il est « plus gratifiant de donner que de recevoir » (Actes 20, 35), personne ne s’appauvrira pour avoir aidé ceux qui sont dans le besoin ; chacun au contraire, en vérité, ne s’appauvrira qu’en devenant une âme petite et froide : celle-ci en effet empêche l’oeuvre de l’amour miséricordieux de Dieu dans le monde et elle oublie le commandement du Sauveur : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux »(Luc 6, 36).
Espérant que notre appel pastoral contribuera à fortifier la foi et à susciter des actions bonnes, nous prions Dieu qu’Il vous bénisse de ses riches dons, pour traverser le temps du grand Carême avec grand profit spirituel et pour atteindre en paix, en santé et avec joie la Fête bénie de la Résurrection du Seigneur !
Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion du saint Esprit soient avec vous tous !(2 Corinthiens 13, 13).
LE PRESIDENT DU SAINT SYNODE DE L’EGLISE ORTHODOXE ROUMAINE † D A N I E L