[...] Examinons plus au long s'il est ridicule ou impossible que l'homme soit régénéré de l'eau. Pour être moins surpris que cette matière ait pu être élevée à une si haute dignité, il est bon de considérer cet élément jusque dans son origine. Elle est noble, cette origine, elle et illustre dès le commencement du monde ; car l'eau est un de ces éléments, lequel avant que l'univers eût reçu toute sa perfection demeurait comme caché dans la puissance de Dieu. Au commencement, dit l'Ecriture sainte, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était invisible et sans ornements ; les ténèbres étaient sur l'abîme et l'Esprit de Dieu était porté sur les eaux. [Gn 1, 1] Voilà d'abord, ô hommes, de quoi révérer la substance de l'eau par l'ancienneté de son usage et de quoi respecter ensuite sa dignité ; elle était le siège de l'Esprit divin et plus privilégiée alors que les autres éléments. Tout n'était qu'un chaos affreux ; les étoiles ne rendaient point encore de lumière ; tout était informe, la mer était lugubre, la terre sans ornement, les cieux sans beauté. L'eau, la seule eau, toujours matière parfaite, toujours excellente, toujours pure, servait de trône à l'esprit de Dieu. Ajoutez que, quand Dieu fit ensuite l'arrangement des différentes parties de l'univers, il le fit par le moyen des eaux ; car, pour suspendre au milieu du monde le firmament, il sépara les eaux d'avec les eaux. Pour suspendre la terre, il fit une semblable séparation. le monde étant enfin arrangé dans toutes ses parties par la disposition de ses divers éléments, comme il devait être habité, ce fut aux eaux, en premier lieu, qu'il commanda de produire des âmes vivantes. C'est donc l'eau qui, la première, produisit ce qui a vie, afin qu'on ne soit pas surpris que dans le baptême, l'eau puisse donner la vie éternelle à notre âme. Dans la formation même de l'homme, Dieu employa l'eau pour achever ce sublime ouvrage. La terre est, à la vérité, la matière dont l'homme fut fait ; mais cette terre n'eût pas été assez disposée pour cet ouvrage si elle n'avait été humide et détrempée. Ce limon, en effet, demeurait imprégné dans une juste mesure de l'eau qui depuis quatre jours, avait été isolée en son lieu.
S'il était nécessaire de descendre dans un plus long détail des principales prérogatives de l'eau, que ne pourrais-je pas dire de sa vertu et de sa fécondité ? Quels bienfaits, quelle fertilité, quels secours le monde n'en reçoit-il pas ? Mais je craindrais qu'on ne m'accusât de faire plutôt un panégyrique de l'eau que d'expliquer la matière du baptême. Cependant, par là, je montrerais plus sensiblement que si Dieu fait servir l'eau à tant de choses et à tant d'ouvrages, il n'est pas hors de vraisemblance qu'il l'ait employée aussi dans les sacrements : si elle gouverne la vie de la terre, elle la procure aussi pour le ciel.