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14 juillet 2011 4 14 /07 /juillet /2011 07:14

St Augustin lit et commente St Jean

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Si l'on parle de baptême et d'eucharistie sans évoquer, à cette époque les trois sacrements de l'initiation chrétienne, c'est parce que la confirmation, comme troisième sacrement, s'est détachée plus tard du baptême : il s'agissait de fait de la dernière onction, donnée par l'évêque à Rome et plus généralement en Occident. Si à l'époque d'Augustin elle suit immédiatement l'immersion (la nuit de Pâques, les catéchumènes (Augustin en a été un) reçoivent le baptême, avec ses onctions d'huile après l'immersion : onction sur tout le corps, onction sur la tête donnée par l'évêque...), du fait de l'éloignement de l'évêque avec l'extension de l'Eglise, y compris dans les campagnes, on prendra progressivement l'habitude de différer l'onction de l'évêque (la dernière dans le rite du baptême), et celle-ci sera donnée plus tard, toujours par l'évêque, lorsqu'il pourra se rendre dans les différentes communautés chrétiennes auprès des baptisés de la nuit de Pâques, pour leur conférer alors la "confirmation". Voilà comment Hippolyte de Rome (1) décrit les rites du baptême au 3e siècle :

"Quand il [le baptisé] sera remonté, il sera oint par le prêtre de l'huile de l'action de grâces avec ces mots : Je t'oins d'huile sainte au nom de Jésus Christ. Et ainsi chacun après s'être essuyé se rhabillera, et ensuite ils entreront dans l'église. L'évêque en leur imposant la main dira l'invocation : Seigneur Dieu, qui les as rendus dignes d'obtenir la rémission des péchés par le bain de la régénération, rends-les dignes d'être remplis de l'Esprit Saint et envoie sur eux ta grâce, afin qu'ils te servent suivant ta volonté… Ensuite, en répandant l'huile d'action de grâce de sa main et en posant (celle-ci) sur la tête, il dira : Je t'oins d'huile sainte en Dieu le Père tout-puissant et dans le Christ Jésus et dans l'Esprit Saint. Et après l'avoir signé au front, il lui donnera le baiser et dira : Le Seigneur soit avec toi. Et celui qui a été signé dira : Et avec ton Esprit…" (Tradition apostolique d'Hippolyte, 21, 3e siècle : Hippolyte (vers 170-235)).

A propos des sacrements fondateurs de l'Eglise on peut rappeler un texte essentiel d'Augustin :

""Des soldats vinrent donc et rompirent les jambes du premier et de l'autre qu'on avait crucifié avec lui. Et s'approchant de Jésus, quand ils virent qu'il était déjà mort, ils ne lui rompirent point les jambes ; mais un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau" (Jn 19, 32, 34). L'Evangéliste s'est servi d'une expression choisie à dessein ; il ne dit pas : il frappa ou il blessa son côté, ou toute autre chose semblable ; mais : "Il ouvrit son côté", pour nous apprendre qu'il ouvrait ainsi la porte de la vie d'où sont sortis les sacrements de l'Eglise, sans lesquels on ne peut avoir d'accès à la véritable vie. Ce sang a été répandu pour la rémission des péchés ; cette eau vient se mêler pour nous au breuvage du salut ; elle est à la fois un bain qui purifie et une boisson rafraîchissante. Nous voyons une figure de ce mystère dans l'ordre donné à Noé d'ouvrir sur un des côtés de l'arche une porte par où pussent entrer les animaux qui devaient échapper au déluge et qui représentaient l'Eglise (Gn 6, 16). C'est en vue de ce même mystère que la première femme fut faite d'une des côtes d'Adam pendant son sommeil, et qu'elle fut appelée la vie et la mère des vivants. (Gn 2, 22). Elle était la figure d'un grand bien, avant le grand mal de la prévarication. Nous voyons ici le second Adam s'endormir sur la croix, après avoir incliné la tête, pour qu'une épouse aussi lui fût formée par ce sang et cette eau qui coulèrent de con côté après sa mort. O mort, qui devient pour les morts un principe de résurrection et de vie ! Quoi de plus pur que ce sang ? Quoi de plus salutaire que cette blessure ?" (Tr 120, 2).

Augustin s'adresse aux catéchumènes (Tr XI) à propos de "Nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit ne verra le Royaume de Dieu" (Jn 3, 3 ; Jn 3, 5) :

"Voici, en effet, le temps de vous exhorter, vous qui êtes encore catéchumènes et qui, malgré votre foi au Christ, portez encore le poids de vos péchés. Or nul ne verra le Royaume des cieux s'il est chargé de péchés, car ne régnera avec le Christ que celui dont les péchés auront été remis, mais ils ne peuvent être remis qu'à celui qui est rené de l'eau et de l'Esprit-Saint. Examinons avec attention le sens de toutes ces paroles, afin que ceux qui sont négligents y découvrent avec quelle sollicitude ils doivent se hâter de déposer leur fardeau. S'ils portaient quelque lourde charge de pierres, de bois ou même de quelque butin, s'ils portaient du blé, du vin, de l'argent, ils courraient pour déposer leurs fardeaux : ils portent une charge de péchés, et ils sont paresseux pour courir ! Il faut pourtant courir pour déposer cette charge : elle écrase et fait enfoncer dans l'abîme." (Tr XI, 1, pp. 583-585)

Les enseignements de la rencontre avec Nicodème.

Augustin fait un long commentaire de l'annonce à Nicodème (Jn 3, 1-21) :

Jésus ne se fie pas à ceux qui ne croient en son nom qu'à cause de ses miracles et prodiges

Nécessité du baptême : "En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître de nouveau nul ne peut voir le Royaume de Dieu" (Jn 3, 3)

Augustin ici défend une doctrine plus rigide que dans le De Baptismo où il soutient que l'on peut rencontrer des catéchumènes dotés d'une grâce supérieure à celle de baptisés peu ardents… mais cette grâce ne suffit pas.

"Tel est le cas de tous les catéchumènes. Eux-mêmes déjà croient dans le nom du Christ, mais Jésus ne se fie pas à eux. Que votre Charité se fasse attentive et comprenne. Si nous demandons à un catéchumène : Crois-tu dans le Christ ?, il répond : Je crois, et il se signe ; déjà il porte la croix du Christ sur le front, et il ne rougit pas de la croix de son Seigneur. Il a donc cru en son nom. Mais interrogeons-le encore : Manges-tu la chair du Fils de l'homme, et bois-tu le sang du Fils de l'homme ? Il ne sait pas ce que nous disons, parce que Jésus ne s'est pas fié à lui.
Comme Nicodème était de ce nombre, il vint donc trouver le Seigneur, mais il vint de nuit, et peut-être cette circonstance relève-t-elle directement de notre sujet. Il vint vers le Seigneur, et il vint de nuit ; il vint vers la Lumière, et il vint au milieu des ténèbres. Or que dit l'Apôtre à ceux qui sont renés de l'eau et de l'Esprit ?Naguère vous étiez ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur : marchez comme des fils de lumière [Eph. 5, 8] […] Ceux qui sont renés étaient donc de la nuit, et maintenant ils sont du jour ; ils étaient ténèbres, et ils sont lumière. Jésus maintenant se fie à eux, et ce n'est plus de nuit qu'ils viennent à Jésus comme Nicodème, ce n'est plus au milieu des ténèbres qu'ils cherchent le Jour. […]
Comme les catéchumènes portent la croix sur leur front, ils font déjà partie de la grande maison, mais de serviteurs il faut qu'ils deviennent fils. [suit une comparaison de la mer Rouge qui mène à la manne avec le baptême qui mène à l'eucharistie...] Si la mer qui n'était qu'une figure, a opéré un tel effet, que produira donc le baptême, qui est la réalité ? Si ce qui est arrivé en image a conduit jusqu'à la manne le peuple qui avait traversé la mer, que donnera le Christ dans la réalité de son baptême à son peuple qui a fait la traversée par lui ? Par son baptême il fait traverser ceux qui croient, après avoir détruit tous leurs péchés comme si c'étaient des ennemis lancés à leur poursuite, de même que tous les Egyptiens périrent dans les eaux de la mer Rouge. Où les fait-il passer, mes frères ? Où les fait-il passer par son baptême, ce Jésus dont Moïse était la figure quand il faisait traverser la mer aux Juifs ? Où les fait-il passer ? Jusqu'à la manne. Qu'est-ce que la manne ? Je suis, dit-il, le pain vivant, descendu du ciel.
Les fidèles reçoivent la manne, une fois qu'ils ont traversé la mer Rouge. Pourquoi la mer Rouge ? La mer, nous savons déjà pourquoi, mais pourquoi était-elle rouge ? Cette mer Rouge était le symbole du baptême du Christ. D'où vient que le baptême du Christ est rouge, sinon du fait qu'il est consacré par le sang du Christ ?" (XI, 3-4, pp. 591-595).

Nicodème est choqué par l'annonce de la nécessité d'une nouvelle naissance : "Comment un homme peut-il naître alors qu'il est vieux ?". Augustin rapproche ce passage de l'évocation de ceux qui partent scandalisés quand Jésus déclare : "Celui qui ne mange pas ma chair et ne boit pas mon sang n'aura pas la vie en lui" (Jn 6, 53).

La deuxième naissance, celle du baptême, comme la première naissance, est unique. Mais la première est charnelle, la deuxième est dans l'Esprit.

De fait il y a quatre catégories de baptisés, nés à partir de la femme libre ou de l'esclave, tous sont fils d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Augustin exploite les catégories logiques :

"Remarquez bien en effet, mes frères, ce qui arrive dans le monde chrétien : des bons naissent par des mauvais, ou des mauvais naissent par des bons, ou des bons par des bons, ou des mauvais par des mauvais. Vous ne pouvez pas découvrir plus que ces quatre catégories. Je vais les répéter, soyez attentifs, retenez-les, secouez vos cœurs, ne soyez pas indolents, comprenez, pour ne pas être pris, comment tous les chrétiens peuvent se ranger en quatre catégories : ou les bons naissent par des bons, ou des mauvais par des mauvais, ou des bons par des mauvais, ou des mauvais par des bons. Je pense que c'est clair. Des bons naissent par des bons, quand ceux qui baptisent sont bons et que ceux qui sont baptisés ont une foi droite et sont comptés à juste titre parmi les membres du Christ. Des mauvais naissent par des mauvais quand ceux qui s'approchent de Dieu avec un cœur double et ne gardent pas les mœurs que préconise l'Eglise pour qu'on ne soit pas en elle paille, mais froment. Qu'ils sont nombreux, en effet, votre Charité le sait. Des bons naissent par des mauvais : parfois celui qui baptise est un adultère, celui qui est baptisé est justifié. Des mauvais naissent par des bons : parfois ceux qui baptisent sont saints et ceux qui sont baptisés refusent de marcher dans la voie de Dieu." (Tr XI, 8, pp. 605-607).

Augustin va donner quelques exemples pris dans l'Ecriture :

Bons qui naissent des bons : Ananie a baptisé Paul

Mauvais ou bons qui naissent de mauvais : l'Apôtre Paul parle de ceux qui ont l'habitude d'annoncer l'Evangile avec des intentions qui ne sont pas pures (Ph 1, 18) : si ces impurs baptisent, ils peuvent engendrer

des mauvais,

ou engendrer des bons.

Des bons peuvent aussi engendrer des mauvais (cf. Simon le magicien baptisé par St Philippe)

Et Augustin récapitule :

"Des bons naissent par des bons, quand des saints sont baptisés par des saints ; des mauvais par des mauvais, quand baptiseurs et baptisés vivent dans l'injustice et l'impiété ; des bons par des mauvais, quand ceux qui baptisent sont mauvais et que ceux qui sont baptisés sont bons ; des mauvais par des bons, quand ceux qui baptisent sont bons et que ceux qui sont baptisés sont mauvais." (Tr.XI, 9, p. 609).

Après de nombreux exemples, Augustin va poursuivre son argumentation dans l'Homélie 12, sur l'unicité du baptême :

"… de même que pour la naissance charnelle, les entrailles de la femme ne peuvent enfanter le même homme qu'une fois, de même, quand il s'agit de la naissance spirituelle, les entrailles de l'Eglise ne peuvent assurer à chacun qu'un seul baptême." (Tr. 12, 2, p. 631)

Augustin montre qu'on ne peut rebaptiser les hérétiques, et de la même façon il s'élève contre le deuxième baptême imposé par les donatistes. Il souligne que la véritable naissance des catéchumènes (ils sont d'abord simplement conçus pendant la durée de leur préparation) a lieu quand ils reçoivent le baptême et la nourriture de l'eucharistie (cf. unité des sacrements de l'initiation) :

"Que doivent-ils [les catéchumènes] faire pour que Jésus se fie à eux ? Qu'ils renaissent de l'eau et de l'Esprit ; que l'Eglise mette au monde ceux qu'elle porte en son sein. Ils sont conçus qu'ils apparaissent au jour ; ils trouveront des mamelles pour les allaiter ; qu'ils ne craignent pas d'être étouffés à leur naissance, qu'ils ne s'écartent pas du sein maternel." (Tr. 12, 3, p. 635).

Cette naissance dans l'Esprit par la Parole et le sacrement est invisible, commente Augustin à propos de Jn 3, 8 : "Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit."

Nicodème ne comprend pas, lui qui est maître en Israël : c'est une invitation à l'humilité. Jésus veut que Nicodème naisse de l'Esprit et donc "Le Seigneur abaisse son orgueil pour qu'il puisse naître de l'Esprit, il s'en moque comme d'un ignorant sans vouloir pour autant paraître supérieur." (Tr XII, 6, p. 643).


(1) : Hippolyte de Rome (v. 170-v.235), à propos de qui on ne sait rien de très précis, était un prêtre de Rome, d'origine orientale (il écrit en grec à une date déjà assez avancée dans l'histoire de l'Eglise) ; il entra en conflit pour des motifs d'ordre doctrinal et disciplinaire avec le pape Calliste. Son oeuvre maîtresse, Réfutation de toutes les hérésies témoigne de sa lutte contre le gnosticisme. Il a aussi laissé laTradition apostolique, oeuvre extrêmement importante, qui est riche d'informations liturgiques puisqu'y sont explicités par exemple les rites et le déroulement du baptême, la célébration de l'eucharistie, etc.

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