CONCLUSION
La Confrérie Saint-Photius a accompli une œuvre admirable et prophétique, qui correspondait au dessein de Dieu et qui constitue, dans le mystère, le rachat du péché de 1054. Chacune des deux parties, en effet, a dû se porter au-devant de l’autre, en accomplissant une ascèse :
- Les Occidentaux ont pris conscience de leur déficience théologique et du fait qu’ils ne pouvaient retrouver leurs racines qu’en s’adressant à leur sœur orientale, l’Eglise orthodoxe historique, qui avait conservé le trésor. Ils retrouvaient l’unité de foi, base de la catholicité.
- Les Orthodoxes ont repris conscience du fait que leur sœur occidentale existait et qu’ils devaient lui tendre la main. Cela impliquait de facto qu’ils acceptent le retour à la multiplicité des rites, dans l’unité de la foi.
Mais, hélas, il y avait en germe, en 1950, toutes les difficultés à venir :
D’une part, les deux principales juridictions russes vont évoluer dans un sens contraire à celui de la Confrérie (tout en demeurant antagonistes) :
l’Exarchat russe de Constantinople (la « rue Daru ») s’était désintéressé des travaux de la Confrérie après 1931 et avait même rompu avec elle après 1935 (à cause de la controverse sophiologique)58.
Elle évoluera vers une simple « francophonie » et sera rapidement hostile à la jeune Eglise française naissante. Le fait d’être soumise à Constantinople y sera pour beaucoup en raison de la théorie du « bi-papisme » (Rome-Constantinople), très bien décrite par Maxime Kovalesvsky59.
L’Evêché du Patriarcat de Moscou, après la mort du Patriarche Serge en 1944 et la destitution du Métropolite Séraphin en 1949, oubliera l’esprit et l’œuvre de la Confrérie et se repliera sur un amour sentimental de l’Eglise-mère.
D’autre part, les Occidentaux demeureront divisés : l’ancienne paroisse de Mgr Winnaert luttera ouvertement contre le Centre Saint-Irénée et le P. Chambault aura une responsabilité très grave dans la rupture de la jeune Eglise française avec le Patriarcat de Moscou en 1953, en sachant habilement s’allier aux émigrés centrés sur la nostalgie de l’Eglise-mère60 ainsi qu’aux hiérarques moscovites ignorants tout du problème (sa toute petite communauté, mi-romaine, mi-byzantine, disparaîtra avec lui)
La jeune Eglise orthodoxe française aura à souffrir constamment d’incompréhension, de critiques et de calomnies (que Maxime Kovalevsky qualifie « d’absurdes »)61. Malgré cela, elle se développera beaucoup et rapidement, car le P. Eugraph avait un sens pastoral exceptionnel : non seulement il était un liturge inspiré62, mais encore ses homélies et ses cours transportaient les foules.
Cette « moisson abondante » suscitera de grandes jalousies et lui vaudra beaucoup d’inimitiés, pour ne pas dire de haine (cf. Annexe II).
Outre ce fruit, dont la plupart d’entre nous sommes les images visibles, la Confrérie influencera durablement la plupart des paroisses de rite byzantin d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord (surtout celles qui célèbrent en langues vernaculaires) en restaurant un esprit d’Eglise et un mode de célébration conformes à la véritable Tradition, dépouillés de nombreux usages inexacts ou inutiles.
La Confrérie Saint-Photius a renouvelé l’Eglise orthodoxe en profondeur. Mais nous n’en sommes qu’au début : cette semence va germer et produira des fruits dans les siècles à venir, pour la gloire de Dieu, conformément à ce que le Saint-Esprit a dit par la bouche du prophète Isaïe : « Ma parole ne retourne pas à Moi sans effet » (Is.55/11).
Père Noël TANAZACQ
(Conférence faite le jeudi 29 août 2013 ; revue et augmentée de 3 annexes le 10 décembre 2013)
(58) Voir Annexe II, p.18 et la n.6.
(59)Orthodoxie et Occident, p. 39-44.
(60) La collusion entre le P. Chambault et l’Archimandrite Ieremine provoquera directement la rupture de 1953 entre l’Eglise française et le Patriarcat de Moscou, qui sera un désastre ecclésiologique. Par leurs calomnies contre le P. Eugraph, ils réussiront à influencer le Métropolite Nicolas de Kroutitsy et à faire échouer le projet audacieux et prophétique du Patriarche Alexis, qui était de créer à Paris deux vicariats, un pour les Russes et un pour les Français et de sacrer un évêque pour chacun d’eux (l’évêque français devait être le P. Eugraph, qui avait été élu par son troupeau).
Le Métropolite Nicolas, se rendant compte qu’il avait été trompé, enverra un émissaire au P. Eugraph pour exprimer son repentir. Mais c’était trop tard…(voir Divine Contradiction II, p.168-188).
(61) Voie Annexe II, p.20 et la n.11.
(62) Un fidèle de Saint-Irénée -futur prêtre- dira, beaucoup plus tard : « lorsque l’Evêque Jean célébrait les divins mystères, nos mains touchaient les pieds des anges ».
Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale
- Université d’été 2013-