Dans le vieux débat sur la christianisation des cultes antiques, de nombreuses études menées depuis une trentaine d'années ont souligné à quel point, loin de s'effacer, les croyances ct les savoirs des sociétés préchrétiennes ont perduré.
Le cas de saint Léonard (ou Lénard) est remarquable.
A la chapelle Saint-Léonard au Pertre, la chaîne du saint est fixée dans le mur et peut aider les enfants à marcher.
Quant au « tombeau de saint Léonard », c'est une véritable chapelle sauvage sans murs ni clocher dans le bois de Borne à Andouillé-Neuville.
Paul Sébillot a recueilli la légende de ce saint étrange à la fin du siècle : « Lénard était un bandit de la pire espèce, ne vivant que de vols, de pillages, tuant par plaisir, et étant la terreur de la contrée.
Les rouliers n'osaient s'aventurer sur la grande lande entre Sens et Andouillé que lorsqu'ils étaient assez nombreux pour tenir tête au brigand qui ne quittait pas ces parages.
Un jour Lénard avisa un arbre et cueillit un de ses fruits ; c'était une poire sauvage appelée dans le pays poire d'étranglard, tellement âcre que Lénard, après l'avoir goûtée, la jeta vivement loin de lui.
Le hasard voulut qu'elle tombât sur un petit arbuste, où quelques mois plus tard, le voleur, en passant par le même endroit, la retrouva ; par curiosité il la prit, et charmé de la belle couleur qu'elle avait revêtue, la porta à ses lèvres.
La poire amère qu'il avait dédaignée était devenue d'une saveur exquise.
Frappé de ce fait, Lénard devint pensif, il eut honte de sa conduite, et pris d'un repentir soudain il s'écria : "Tout s'amende ici-bas ; il n'y a que moi qui suis de plus en plus criminel.
Eh bien ! Je changerai" et Lénard le criminel deviendra désormais Lénard l'honnête homme.
Il en était là de ses réflexions, lorsqu'il entendit les cris d'un roulier, essayant de retirer son attelage d'une des nombreuses ornières qui remplissaient le chemin.
Lénard vola au secours du charretier qui, trompé par sa mauvaise réputation, et croyant avoir à défendre sa vie, courut sur le brigand et l'assomma d'un coup de garrot.
Avant d'expirer, Lénard fit part au roulier de l'intention qu'il avait eue de réformer sa vie » à la suite de quoi on l'enterra dans la lande où il était mort et sa tombe devint un lieu de dévotion.
L’imagination populaire se chargea de sanctifier Lénard, et son tombeau fut construit en 1867, malgré la réprobation du clergé de la paroisse.
Aujourd'hui encore le site est rempli des signes d'une croyance dans les pouvoirs de ce personnage dont on sent qu'il a tout d'une étrange légende et rien d'un saint catholique et romain.
L'allée qui mène à la tombe comme ses abords sont mieux fleuris que bien des cimetières et le bric-à-brac des objets qu'on y trouve plutôt surprenants, de la boîte à gâteaux à la statuette, de la paire de gants à la peluche.
En fait, l'étonnante répartition des chapelles, statues et lieux consacrés à saint Léonard offre un exemple frappant du « recyclage du sacré » pratiqué au fil des siècles.
Ainsi, la tombe est au centre d'une constellation très régulière qui dessine l'ancien territoire de la tribu gauloise des Riedones.
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Chaîne de prisonnier qui se trouvait dans la chapelle Saint Léonard
Mieux, des éléments de la légende comme le rôle des chaînes accumulent les indices permettant de deviner le glissement subtil du dieu gaulois Ogmios au personnage de saint Léonard.
Source : http://www.seraphim-marc-elie.fr/