S’il y a eu des attitudes et des excès dans ces différents domaines qui nous apparaissent aujourd’hui insupportables, l’examen des textes montre que ces comportements proviennent de dérives qui n’ont jamais été édictées par l’Église antique mais bien plutôt critiquées, voire parfois condamnées, par elle.
Un certain nombre de ces conduites proviennent d’ailleurs de groupes bien précis qui se sont mis très vite en dehors de la grande Église et ont ainsi formé les premières hérésies, combattues par les Pères de l’Église, à commencer par le Lyonnais Irénée en Occident : la gnose, le montanisme puis l’arianisme et le donatisme.
L’enquête historique montre également que les premiers chrétiens, à la différence des terroristes islamistes d’aujourd’hui, n’ont jamais recherché le martyre, la mort pour elle-même et n’ont jamais poursuivi non plus, bien sûr, l’objectif de causer la mort à qui que ce soit ! Pas davantage nos ancêtres dans la foi n’ont recherché la souffrance, en particulier physique, pour elle-même.
« Le corps lui-même n’était pas objet de haine puisque Dieu l’avait créé et pétri de ses mains divines » et l’ascèse n’est ni la jouissance de la souffrance, ni « un sport, c’est un moyen d’orienter les passions de la chair en une énergie nouvelle pour le service des autres et l’amour de Dieu », écrit le dominicain.
Le risque dénoncé par les papes de l’époque, « c’est la routine de tous les jours qui risque de faire oublier l’essentiel, la rencontre avec Dieu (…) L’ascèse, loin d’être une épreuve supplémentaire, devenait une chance de découvrir l’essentiel ».
Philippe Henne examine également les reproches faits à quelques grandes figures du christianisme antique. Ainsi Tertullien, qu’il qualifie de « chantre implacable de la violence verbale », ne parlait pas ainsi pour écraser méchamment ses adversaires mais ne faisait que se conformer au « monde des avocats de l’époque rompus à l’art oratoire », explique l’auteur. Origène, contrairement à ce qu’a pu dire deux siècles plus tard Eusèbe de Césarée, ne s’est pas castré.
Enfin, face à la violence atroce des circoncellions à l’acmé de la crise donatiste, Augustin n’a pas été « le sanguinaire bourreau de pauvres séparatistes religieux », comme on le présente encore aujourd’hui trop souvent.
Non, conclut le patrologue, « ce n’était pas l’hérésie qu’il voulait écraser, c’était la violence qu’il voulait contenir. Ce n’était pas le monopole de l’Église qu’il voulait défendre, c’était la paix dans les villes et les campagnes qu’il voulait voir rétablie. »
L’Église face au fanatisme. L’exemple des premiers chrétiens
de Philippe Henne
Salvator, 208 p., 20 €